lundi 3 décembre 2012

CFE : au tour des députés par Benoit Fleury

CFE : au tour des députés par Benoit Fleury


Dans un amendement au collectif budgétaire qu’elle a adopté le 28 novembre dernier, la commission des finances de l’Assemblée nationale permet aux collectivités de revenir sur les hausses de la cotisation foncière des petites entreprises. Le dispositif est le même que celui qu’ont voté les sénateurs dans le cadre du projet de loi de finances.
Benoit-Fleury-BenoitfleuryLe Sénat a voté, le 26 novembre, un amendement au projet de loi de finances pour 2013 autorisant les collectivités à réduire la cotisation foncière qu’ont à payer les petits patrons pour 2012. Cet amendement venait en réponse aux manifestations organisées dans de nombreuses villes de France dans le but de protester contre l’envolée de cette taxe. Mais le rejet par la Haute Assemblée du projet de loi fait disparaître la mesure. Si la commission mixte paritaire (députés et sénateurs) qui se réunira prochainement échoue à trouver un compromis, c’est le texte adopté par les députés qui reviendra au palais Bourbon pour une nouvelle lecture.
C’est donc en fait le projet de loi de finances rectificative, en débat en séance à l’Assemblée nationale, du 3 au 11 décembre, qui pourrait bien délivrer de leur angoisse les artisans, commerçants et professionnels libéraux.

Benoit Fleury : de nouveau Béziers ! !

Benoit Fleury : de nouveau Béziers !!


L’occasion s’est déjà présentée d’évoquer ici la fameuse jurisprudence Béziers du Conseil d’Etat et d’une manière générale la loyauté contractuelle. La Cour administrative d’appel de Nantes livre un bel exemple d’application des principes récemment dégagés par la Haute juridiction administrative et attire l’attention des partenaires des personnes publiques sur le fondement de leurs prétentions (CAA Nantes, 19 oct. 2012, n° 11NT01174, Sté APIC).

Les faits


Au cas d’espèce, la commune de Ver-sur-Mer avait confié, par convention en date du 15 juillet 1996 conclue pour une durée de 9 ans renouvelable 3 ans par tacite reconduction, à la société APIC, l’implantation et l’entretien, sur des emplacements mis gratuitement à sa disposition, de cinq mobiliers d’informations municipales et de trois abribus, en échange du droit pour la société cocontractante d’apposer de la publicité sur ceux-ci. Le 8 septembre 2003, deux nouveaux contrats d’une durée initiale de 12 ans sont intervenus dans les mêmes conditions pour un abribus et deux mobiliers d’informations municipales. Par deux nouvelles conventions du 11 février 2008, la commune a en outre accordé à la société APIC, pour la même durée et avec la même contrepartie, la gestion, respectivement, de quatre abribus et de sept mobiliers urbains d’informations municipales.

Benoit-FleuryPar un courrier du 9 février 2009, le maire de la commune a résilié l’ensemble de ces contrats au motif qu’ils ont été signés par une personne non habilitée en l’absence de délibération du conseil municipal et en violation de l’article 28 du Code des marchés publics relatif à la passation des marchés selon une procédure adaptée.
La société APIC a alors saisi la juridiction administrative d’une demande tendant à la condamnation de la commune de Ver-sur-Mer à lui verser une somme de 342.131 € en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de cette résiliation unilatérale.
Par un jugement du 22 février 2011, le tribunal administratif de Caen l’a débouté de ses prétentions. Appel a été relevé.

Décision de la Cour administrative d’appel


Dans sa décision, la Cour administrative d’appel de Nantes rappelle, dans un considérant appelé à devenir désormais classique, les enseignements des jurisprudences Béziers (CE, ass., 28 déc. 2009, n° 304802, Cne de Béziers, JurisData n° 2009-017292 ; Rec. CE 2009, p. 509, concl. E. Glaser ; JCP A 2012, comm. 2072, obs. F. Linditch ; AJDA 2010, p. 142, chron. Liéber et Botthegi) et Manoukian (CE 12 janv. 2011, n° 338551, Manoukian : JurisData n° 2011-000207 ; JCP A 2011, 2049 ; Contrats-Marchés publ. 2011, comm. 88, note J.-P. Pietri ; Dr. adm. 2011, comm. 29, note F. Brenet ; RJEP 2011, comm. 33, concl. N. Boulouis) :
« Considérant que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l’exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ; qu’ainsi, lorsque le juge est saisi d’un litige relatif à l’exécution d’un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d’office, aux fins d’écarter le contrat pour le règlement du litige ; que, par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d’une part à la gravité de l’illégalité et d’autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat ».
Benoit-Fleury-LoyauteLes irrégularités de l’espèce ne justifient donc pas que le litige soit réglé sur un terrain différent de celui des contrats en cause. Dès lors, et c’est là un point particulièrement important : la société APIC ne pouvait formuler ses diverses demandes ni sur le fondement de l’enrichissement sans cause, ni sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle de la commune.

Les cocontractants de l’administration doivent donc être particulièrement attentifs aux fondements de leur demande dès lors que le principe de loyauté contractuelle pourrait leur être opposé.

dimanche 2 décembre 2012

Benoit Fleury - Police funéraire

Police funéraire par Benoit Fleury


Q – Un maire peut-il déléguer les missions de la police funéraire ?


Réponse du Ministère de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique publiée au JO Sénat, Q. n° 00590, 22 novembre 2012, p. 2682.


« Non. L’article L.2213-14 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), dans sa rédaction issue de l’article 4 de la loi n°2008-1350 du 19 décembre 2008, définit les conditions dans lesquelles s’effectue la surveillance des opérations funéraires. Dans les communes classées en zone de police d’Etat, cette mission relève de la compétence exclusive des fonctionnaires de la police nationale.
Dans les autres communes, cette fonction est assurée par un garde champêtre ou un agent de police municipale. Lorsque la commune n’en dispose pas, il revient au maire, ou à l’un de ses adjoints délégués, de contrôler les opérations funéraires. Celles-ci constituent des opérations de police administrative qui permettent de prévenir le risque de substitution de corps ou d’atteinte à l’intégrité du défunt, jusqu’à la réalisation de l’inhumation ou de la crémation. En raison de leur qualification juridique, ces opérations ne peuvent donc être exécutées que par une autorité de police, nationale ou municipale. En vertu de l’article L.2122-18 du CGCT, le maire peut déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints.
Benoit-Fleury-GUD1En cas d’absence ou d’empêchement des adjoints, la délégation peut concerner des membres du conseil municipal. Hormis le cas prévu par l’article R.2122-10 du code précité, pour les attributions exercées au nom de l’Etat, le maire ne peut donc pas déléguer l’exercice de cette fonction à des fonctionnaires de la commune. En l’état du droit en vigueur, il n’est donc pas envisageable de déléguer cette compétence à des agents communaux. Le gouvernement n’envisage pas de modifier les règles en la matière.
Toutefois, le nouveau régime issu du décret n°2010-917 du 3 août 2010 a pour conséquence effective d’alléger les tâches qui pèsent sur le maire et ses adjoints. Deux séries de dispositions visent à réduire la charge de travail pour les maires des communes rurales où il n’existe ni police municipale ni garde champêtre.
Tout d’abord, seules les opérations funéraires visées par la loi (article L.2213-14 du CGCT) font l’objet d’une surveillance et donnent lieu à vacation: fermeture du cercueil et pose de scellés, lorsque le corps est transporté hors de la commune de décès ou de dépôt; fermeture du cercueil et pose de scellés, avec ou sans changement de commune, lorsque le corps est destiné à la crémation; exhumation (d’un ou plusieurs corps), suivie d’une réinhumation, d’une translation et d’une réinhumation ou d’une crémation.
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Toutes les autres opérations funéraires – soins de conservation, moulage de corps, transport de corps avant et après mise en bière, inhumation, crémation et arrivée du corps dans la commune – ne sont donc plus surveillées. Ainsi, en réduisant la surveillance à quelques opérations, ce décret a pour conséquence de décharger le maire et ses adjoints de certaines tâches de surveillance dans ces zones.
S’agissant de la pose de bracelets d’identification sur le corps des personnes décédées, en vue de leur transport avant mise en bière, cette opération est désormais réalisée: par les établissements de santé, lorsque le décès intervient dans ces établissements; par les opérateurs funéraires dans les autres cas (décès à domicile ou sur la voie publique). Dans le droit antérieur au décret du 3 août 2010, la pose des bracelets était une mission dévolue au maire ou à ses adjoints lorsque la commune ne disposait ni d’un garde champêtre ni de police municipale et se situait hors zone police d’Etat. Le décret précité contribue donc à alléger les tâches pesant sur le maire et ses adjoints hors zone police d’Etat ».

samedi 1 décembre 2012

Benoit Fleury : intérêt distinct et élus

Intérêt distinct et élus par Benoit Fleury


La notion d’élus intéressés au sens de l’article L. 2131-11 du CGCT suivant lequel « sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires », soulève souvent de nombreuses questions pratiques. En témoignent par exemple les fréquentes questions parlementaires (en dernier lieu, voir la récente réponse ministérielle fait le point publiée au JO Sénat Q, 4 oct. 2012, p. 2172). Le Conseil d’Etat vient d’apporter quelques éclaircissements sur la notion d’intérêt distinct qui entraînera l’illégalité de la délibération (CE 26 oct. 2012, n° 351801, Dpt du Haut-Rhin).

Les faits


En l’espèce, le Conseil Général du Haut-Rhin avait réduit le périmètre d’une zone de préemption au titre des espaces naturels sensibles de la commune de Voegtlinshaffen à la demande de celle-ci afin de lui permettre la mise en œuvre d’un projet touristique orienté vers le vin.

Benoit-Fleury-GUD3-PoitiersLa Cour administrative d’appel de Nancy avait sanctionné la décision du Conseil Général, au motif que la délibération de la commune sollicitant la réduction devait être regardée comme irrégulière du fait de la participation du maire – viticulteur – et d’une conseillère municipale, elle-même épouse d’un viticulteur. Le juge administratif a estimé que ces derniers auraient du s’abstenir de voter (CAA Nancy, 30 juin 2011, n° 10NC01376, Association Paysages d’Alsace).

Décision du Conseil d’Etat


Le Conseil d’Etat ne partage pas ce raisonnement et livre une approche très pragmatique du litige. Conformément à sa jurisprudence Commune d’Oullins, la Haute juridiction recherche si l’intérêt supposé des conseillers se distingue des intérêts de la généralité des habitants (CE, sect., 16 déc. 1994, n° 145370, Cne d’Oullins : AJDA 1995, p. 72). C’est en ce sens qu’elle a pu considérer par exemple dans une affaire relative à l’acquisition d’un immeuble que devait être regardé comme personnellement intéressé le conseiller qui assure la gestion d’une partie des biens du vendeur dont il a été le notaire à plusieurs reprises (CE 27 juin 1997, n° 122044, M. Tassel et a.). De même est intéressé à l’affaire au sens de l’article L. 2333-11 du CGCT le conseiller, président-directeur général d’une société qui exploite un théâtre, propriété de la commune, lorsque le conseil municipal délibère sur des demandes de subventions en vue de travaux de réaménagement de la salle de théâtre (CE 23 sept. 1987, n° 65014, Ecorcheville).

Benoit-Fleury-GUD-Poitiers
En revanche, il n’y a pas « d’intérêt à l’affaire » lorsqu’il s’agit d’un intérêt attaché à la qualité d’habitant ou de contribuable de la commune, sans être distinct de l’intérêt général de la commune. Ainsi d’un maire, propriétaire d’une parcelle de terrain située dans une zone du plan d’occupation des sols dont le règlement a été modifié dans un sens favorable à la construction conformément aux vœux du conseil municipal (CE 20 janv. 1989, n° 75442, Assoc. Des amis de Chérence) ou encore d’un maire et d’un conseiller résidant dans un hameau qui pourra être raccordé au réseau d’eau potable grâce à l’adhésion de la commune à un syndicat intercommunal, au prix d’un renchérissement du coût de la distribution d’eau pour l’ensemble de la commune (CE 10 janv. 1992, n° 97476, Assoc. des usagers de l’eau de Peyreleau et a.).

Benoit-Fleury-GUDFort de ces raisonnements in concreto, le Conseil d’Etat relève ici deux éléments essentiels :

-  d’une part, le secteur viticole constitue l’activité économique essentielle de la petite commune ;

-  d’autre part la convention entre la commune et la société en charge du projet touristique prévoit une répartition équitable de l’approvisionnement en vins du complexe hôtelier.

Dès lors, les sages du Palais-royal considèrent qu’il n’y a pas intérêt particulier distinct de l’intérêt général. La Cour administrative d’appel de Nancy
« a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que la circonstance que le maire et la conseillère municipale concernée exerçaient une activité professionnelle en lien avec la viticulture, leur conférait, au regard de l’objet de la délibération litigieuse, des intérêts distincts de celui de la généralité des habitants, et qu’ils étaient par suite personnellement intéressés à cette délibération »
.

Retrouvez cette chronique sur le blog du Village de la justice ou sur Legavox.

Brûlis et pouvoir de police par Benoit Fleury

Brûlis et pouvoir de police par Benoit Fleury


Q – Un arrêté municipal peut-il interdire de façon générale les brûlis ?


Réponse du Ministère de l’intérieur, publiée au JOAN, Q. n° 4482, 27 novembre 2012, p. 7005.


« De manière générale, l’article L. 131-1 du code forestier dispose qu’il « est défendu à toute personne autre que le propriétaire de terrains, boisés ou non, ou autre que les occupants de ces terrains du chef de leur propriétaire, de porter ou d’allumer du feu sur ces terrains et jusqu’à une distance de 200 mètres des bois et forêts. ».
Le code forestier reconnait ainsi aux administrés le droit de porter ou d’allumer du feu sur leurs terrains, même si cette faculté ne concerne pas expressément les feux d’herbe et de branchage. Tant pour des motifs de sécurité publique que pour des motifs de salubrité, le maire peut donc édicter des arrêtés limitant certaines libertés dans un but d’intérêt général.
Il convient cependant de préciser qu’une mesure de police administrative doit être justifiée par un risque réel de trouble à l’ordre public, proportionnée à celui-ci et notamment délimitée dans l’espace et dans le temps.
Benoit-Fleury-GUD
Le maire ne peut pas faire usage de son pouvoir de police pour instaurer une interdiction générale et absolue s’il ne démontre pas que l’ordre public ne peut pas être maintenu par une mesure moins contraignante (CE, 19 mai 1933, Benjamin ; CE, 25 novembre 1988, commune des Orres contre Dame Rippert).
Au regard de ces éléments, une mesure de police tendant à limiter la possibilité de brûler les déchets végétaux doit être justifiée par la prévention d’un trouble à l’ordre public (notamment en matière de sécurité ou de salubrité) et proportionnée à celui-ci en fonction des circonstances locales (nature des déchets, période de l’année, conditions d’exécution…).
Une interdiction générale et permanente de brûlage des déchets végétaux ne pourrait se justifier que par une nécessité absolue, comme la présence de zones particulièrement exposées au risque d’incendie.
Les mesures de police doivent également s’articuler au niveau départemental et au niveau communal. Le brûlage des déchets végétaux dans le département peut être réglementé par des arrêtés préfectoraux, notamment dans le cadre du règlement sanitaire départemental. Dans ce cas de figure, le maire ne peut édicter qu’une mesure de police plus restrictive que celle du préfet de département si cela est justifié par la prise en compte de circonstances locales particulières (CE, 18 avril 1902, Commune de Néris les Bains) ».