mercredi 9 janvier 2013

Benoit Fleury : toujours la redevance autoroutière

Toujours la redevance autoroutière


La domanialité publique et les concessions autoroutières forment toujours un petit cocktail explosif devant les juridictions, ainsi que l’illustre à nouveau un récent arrêt du Conseil d’Etat du 29 octobre 2012. Comme souvent, au cœur du litige : la mise en place par le concessionnaire d’une redevance d’occupation du domaine (CE 29 oct. 2012, n° 346610, Sté SANEF : JurisData n° 2012-024346 ; JCP A 2012, act. 770, obs. A. Duranthon).

1 – Les faits


En l’espèce, la société des autoroutes du nord de l’est de la France (SANEF) – concessionnaire d’autoroutes – avait réclamé à la société France Telecom, une redevance d’occupation du domaine public en contre partie de l’installation de ses réseaux sur le tracé des voies entre 1998 et 2002, par une facture en date du 23 décembre 2003. Le refus de l’opérateur de téléphonie porta l’affaire au contentieux.
Le tribunal administratif de Paris débouta la SANEF de ses prétentions (TA Paris, 23 juill. 2009, n° 0618382, SANEF) tandis que la cour administrative d’appel au contraire y fit droit en condamnant France Telecom au paiement d’une somme de 138.294,60 € H.T. augmentée des intérêts (CAA Paris, 16 déc. 2010, n° 09PA05781, SANEF). Le litige portait ici moins sur le principe de la redevance que sur les règles de prescription.

Benoit-Fleury-PoitiersSur le principe en effet, l’arrêt SANEF de la Haute juridiction s’inscrit à la suite de sa jurisprudence Escota de 2010 par laquelle elle a considéré que le contrat de concession pouvait parfaitement autoriser le concessionnaire à percevoir la redevance normalement due à la collectivité publique pour l’occupation de son domaine. France Telecom (déjà) soutenait l’inverse sur le fondement de l’article L. 47 du Code des postes et communications alors en vigueur qui prévoyait que l’occupation du domaine public donne lieu à versement de redevances à la collectivité publique propriétaire (CE 10 juin 2010, n° 305136, Sté autoroutes Estérel-Côte-d’Azur-Provence-Alpes : JurisData n° 2010-008794 ; JCP A 2010, act. 492 ; AJDA 2010, p. 1172, note E. Royer). La position du Conseil d’Etat est d’ailleurs en tout point semblable au décret n° 2005-1676 du 27 décembre 2005 relatif aux redevances d’occupation du domaine public non routier, aux droits de passage sur le domaine public routier et aux servitudes sur les propriétés privées prévus par les articles L. 45-1, L. 47 et L. 48 du code des postes et des communications électroniques intervenu depuis.
Certainement échaudée par cette décision, la société France Telecom se place, dans notre affaire, sur un autre terrain : celui de la prescription. Elle argue en effet que l’action en paiement de redevances d’occupation du domaine public était prescrite en application de l’article 2277 du code civil dans sa rédaction alors en vigueur et aux termes duquel :
« se prescrivent par cinq ans les actions en paiement des salaires ; des arrérages des rentes perpétuelles et viagères et de ceux des pensions alimentaires ; des loyers, des fermages et des charges locatives ; des intérêts des sommes prêtées et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ».
Pour ajouter à la confusion, il convient de rappeler que le Conseil d’Etat avait en outre annulé en 2003 les dispositions du décret n° 97-683 du 30 mai 1997 relatif au montant maximal, aux modalités d’émission et de recouvrement des créances des créances des permissions de voirie accordées aux opérateurs de téléphonie qui prévoyaient le versement annuel desdites redevances (CE 21 mars 2003, n° 189191, SIPPEREC : Juris-Data n° 2003-065215 ; Rec. CE 2003, p. 144).

2 – Décision du Conseil d’Etat


Le Conseil d’Etat confirme ici la logique de la Cour administrative d’appel en estimant d’abord qu’aucune disposition autre que le décret de 1997 ou clause contractuelle ne régissait les modalités d’émission et de recouvrement des redevances d’occupation du domaine public autoroutier pour la période correspondant aux années 1998 à 2002, ensuite que la créance dont se prévalait la SANEF ne pouvait être regardée comme payable par année au sens de l’article 2277 du code civil pour conclure que France Telecom ne pouvait invoquer l’exception de prescription quinquennale.

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