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mercredi 10 avril 2013

Délais de paiement par Benoit Fleury

Délais de paiement par Benoit Fleury


Le décret relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique a été publié au Journal officiel du 31 mars 2013. Si son entrée en vigueur est prévue le 1er mai 2013, il s'appliquera aux contrats conclus à partir du 16 mars 2013. Néanmoins, seules les créances dont le délai de paiement commencera à courir à compter du 1er mai 2013 sont concernées. 

Le dispositif règlementaire, pris pour l'application du titre IV de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 dite loi Dadue, parachève la transposition en droit interne de la législation communautaire en matière de délais de paiement. Applicable à l'ensemble des contrats de la commande publique (marchés publics soumis au Code des marchés publics et à l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, contrats de partenariat et délégations de service public), le décret vise à uniformiser les règles juridiques pour le paiement des sommes dues par les acheteurs publics. Etat, collectivités territoriales et, dorénavant organismes soumis à l'ordonnance du 6 juin 2005, sont assujettis à un délai maximal de paiement de 30 jours. Une exception demeure toutefois pour les établissements publics de santé et les entreprises publiques, dont les délais de paiement restent respectivement maintenus à 50 et 60 jours. 

Benoit-FleuryEn cas de retard de paiement, le dispositif règlementaire prévoit le versement d'intérêts moratoires correspondant au taux de référencement de la Banque centrale européenne (BCE) majoré de 8 points (contre 7 points auparavant pour les marchés soumis au Code des marchés publics). Cette nouvelle majoration renforce le dispositif mis en place et devrait dissuader les acheteurs publics à retarder le paiement de leurs factures. Une indemnité forfaitaire fixée à 40 euros par jour de retard s'ajoute également au paiement des intérêts moratoires. 

Les modalités d'intervention de l'ordonnateur et du comptable public sont détaillées par le décret. 

mardi 26 mars 2013

Guide du Prix de la DAJ par Benoit Fleury

Guide du Prix de la DAJ par Benoit Fleury 


La DAJ de Bercy vient de publier un guide sur "le prix dans les marchés publics". Particulièrement attendu, il est destiné à répondre aux interrogations des acheteurs tout en soulignant le rôle prépondérant du prix dans un marché.
Benoit-Fleury

Le nouveau guide de 95 pages que vient de publier la Direction des affaires juridiques (DAJ)  de Bercy, fort de conseils pratiques, mises en garde et rappels des notions, vise à accompagner les acheteurs dans la détermination du prix afin de prévenir toute difficulté d'exécution économique. L'idée générale étant d'appeler les acheteurs à anticiper les questions relatives au prix le plus tôt possible lors de l'élaboration du marché. 

dimanche 3 mars 2013

MAPA et publicité par Benoit Fleury


MAPA et publicité par Benoit Fleury


 « Si cela va sans le dire, cela ira encore mieux en le disant ». Le tribunal administratif de Lyon vient de faire sienne ce bon mot de Talleyrand en rappelant que l’obligation de publication d’un avis d’attribution d’un marché public peut revêtir une forme différente que l’avis d’appel public à la concurrence en marché à procédure adaptée (TA Lyon, 4 oct. 2012, Sté SIC Etanchéité, n° 1002733).

1 – Les faits


En l’espèce, la commune de Dardilly a lancé une procédure adaptée en vue de la passation d’un marché portant sur l’exécution de travaux de réhabilitation des bâtiments d’un groupe scolaire par la publication d’un avis d’appel public à la concurrence le 12 octobre 2009 sur le site internet « marchesonline » et le 16 octobre dans la revue La Moniteur.
La société SIC Etanchéité s’est portée candidate à l’attribution du lot relatif à l’étanchéité, mais son offre a été rejetée au motif qu’elle n’était pas conforme aux cahiers des clauses techniques particulières. Le marché correspondant a été signé le 10 décembre 2009 et un avis d’attribution a été publié par la commune le 9 janvier 2010 sur le site internet de la revue Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment, précisant le nom de l’attributaire, le montant toutes taxes comprises du marché ainsi que les modalités de consultation en mairie de ce contrat.
La société évincée contesta cependant son éviction devant le juge administratif en se prévalant d’une erreur manifeste d’appréciation. La commune de son côté arguait de l’irrecevabilité de la requête du fait de son caractère tardif. La société dénonça alors les modalités de publicité de l’avis d’attribution, déplaçant ainsi le contentieux sur le terrain formel.

2 – Question


Il convient ici de rappeler qu’effectivement l’article 85 du code des marchés publics impose la publication d’un avis d’attribution dans les 48 jours suivant la notification du marché. Il s’agit là d’un délai maximal. Cette publication constitue le point de départ des délais de recours : un mois pour le référé contractuel (article R. 551-7 du code de justice administrative), deux pour contester la validité du contrat à condition, dans ce dernier cas, que la publication de l’avis d’attribution puisse être regardée comme une « mesure de publicité appropriée » au sens de la fameuse décision Tropic du Conseil d’Etat (CE 16 juill. 2007, Sté Travaux Tropic Signalisation, n° 291545).
Benoit-FleuryUn avis d’attribution correctement rempli et répondant aux exigences du fixées par le II de l’article 85 du code des marchés publics précité, c’est-à-dire une publication sur le ou sur les mêmes supports que ceux ayant servi à la publication de l’avis d’appel public à la concurrence, et selon les mêmes modalités de transmission, sera en toute logique considéré comme une mesure de publicité appropriée.

3 – Position du TA de Lyon


Mais ce parallélisme des formes est-il systématiquement obligatoire ? La réponse du tribunal administratif de Lyon est clairement négative. Ainsi en marché à procédure adaptée, il ne sera pas nécessaire d’utiliser un avis d’attribution en bonne et due forme, ni même de s’imposer un quelconque parallélisme des formes entre l’avis de publication du marché et l’avis annonçant la conclusion du contrat :
« aucun principe général non plus qu’aucune règle ne s’oppose à ce que la publication d’un avis d’attribution d’un marché passé selon la procédure adaptée prenne la forme d’une mise en ligne sur un site internet spécialisé dans le domaine de la commande publique ; […] toutefois ce mode de publicité n’est susceptible de faire courir le délai de recours contentieux à l’égard de toutes les personnes susceptibles d’avoir un intérêt leur donnant qualité pour contester le contrat qu’à la condition que cette information soit suffisante et accessible ».
Benoit-Fleury
Une publicité « appropriée » s’entend donc ici d’une « publicité suffisante et accessible », laquelle s’appréciera au regard des opérateurs économiques concernés et de l’audience du support utilisé. En l’espèce,
« eu égard à la nature du marché, aux caractéristiques du site choisi, spécialisé dans le domaine de la commande publique, et accessible à tous les professionnels du bâtiment […], une telle publication doit être regardée comme ayant permis d’assurer une publicité appropriée de la conclusion du marché public attaqué, de nature à faire courir le délai de recours contentieux sans qu’à cet égard la société Sic Etanchéité puisse utilement se prévaloir des dispositions de l’article 85 du code des marchés publics ».

Le parallélisme des formes se n’impose qu’en matière de marchés formalisés. Le requérant a cependant interjeté appel.

Retrouvez ce billet sur le site du Village de la justice

mardi 5 février 2013

Olympique Lyonnais : le CE conforte le CG 69 par Benoit Fleury

Olympique Lyonnais : le CE conforte le CG 69 par Benoit Fleury


Dans un arrêt du 28 janvier 2013, le Conseil d’Etat se prononce sur le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats, donnant raison au département du Rhône dans l’affaire de l’achat de places pour les matchs de l’Olympique lyonnais.  Il annule un arrêt de la cour administrative d’appel (CAA) de Lyon selon lequel le conseil général du Rhône ne pouvait acheter des prestations à l’Olympique lyonnais sans procéder à une mise en concurrence.

Benoit-Fleury-Ballon
Le département du Rhône avait lancé des consultations en vue de passer des marchés à bons de commande pour des abonnements, places et « pass » permettant d’assister aux matchs de l’Olympique lyonnais. L’association des contribuables actifs du Lyonnais (CanolL) a saisi le tribunal pour l’annulation des délibérations par lesquelles la commission permanente du conseil général du Rhône avait lancé les consultations. Le tribunal ayant rejeté sa demande, la Canol saisit la cour administrative d’appel qui annule ces délibérations « au motif que l'achat de ce type de prestations ne pouvait se faire sans mise en concurrence entre les prestataires du secteur ».

Benoit-Fleury-CMP
Pour les juges du Palais royal, les contrats litigieux relevaient bien de la commande publique, mais de l’application de l’article 28 du Code des marchés publics qui permet de conclure des marchés à procédure adaptée en dérogeant aux règles de publicité et de mise en concurrence notamment quand l’objet du marché le justifie. En l’espèce, l’analyse des délibérations litigieuses montre que l’objet des marchés était l’achat de billets pour participer aux matchs de l’Olympique lyonnais et non pas de faciliter l’accès au spectacle sportif, promouvoir l’activité sportive et encourager son encadrement bénévole. Dans la mesure où le Club de football de l’Olympique lyonnais était le seul distributeur des billets, le département a légalement décidé que les marchés seraient passés sans publicité ni mise en concurrence.

samedi 2 février 2013

Marché complémentaire par Benoit Fleury

Marché complémentaire


Q – Quand peut-on passer un marché complémentaire sans recourir à la CAO ?


Réponse du Ministère de la Réforme de l’Etat publiée au JOAN, Q. n° 11924, 15 janvier 2013, p. 528.


En application des articles 26-I-2° et 34 du Code des marchés publics (CMP), la procédure négociée est une procédure formalisée, dans laquelle le pouvoir adjudicateur négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs opérateurs économiques. Les acheteurs publics ne peuvent y recourir que dans les hypothèses limitativement énumérées par l’article 35 du même code. La procédure négociée constitue, en effet, une procédure dérogatoire à l’appel d’offres, procédure de droit commun au-dessus des seuils communautaires.
L’article 35-II du CMP autorise la passation de marchés négociés sans publicité ni mise en concurrence. Cette possibilité est toutefois strictement encadrée. Elle peut notamment être utilisée pour passer des marchés complémentaires, conformément aux 4° et 5° de cette disposition.
Les marchés complémentaires se distinguent des avenants en ce qu’ils constituent de nouveaux contrats, juridiquement distincts du marché initial, même si sur le plan matériel ils en sont le prolongement. Les modalités de passation des avenants, prévues à l’article 20 du CMP, ne peuvent donc être transposées aux marchés complémentaires de l’article 35-II.
Benoit-FleuryEn application des dispositions du CMP, la commission d’appels d’offres (CAO) n’est compétente que pour l’attribution des marchés publics passés selon une procédure formalisée. Or, il résulte des articles 35-II-4° et 35-II-5° que le montant du marché complémentaire sera toujours inférieur aux seuils de procédure formalisée, dans l’hypothèse où le marché initial a été passé selon la procédure adaptée prévue par l’article 28 du même code (Mapa).
Le montant total du marché de fournitures, livraisons complémentaires comprises, ne peut ainsi être égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée (article 35II-4°). Le montant cumulé des marchés complémentaires de services ou de travaux ne doit pas dépasser 50 % du montant du marché principal (article 35II-5°). Ainsi, la CAO n’a pas à se prononcer sur l’attribution des marchés complémentaires dont le marché initial a été passé sur le fondement de l’article 28 du CMP. Si le marché initial de services a été passé selon la procédure adaptée prévue par l’article 30 du CMP, les marchés complémentaires d’un montant égal ou supérieur à 200 000 € HT doivent être attribués par la CAO (article 30-II-3°).
De manière plus générale, les dispositions de l’article 66-VI du CMP s’appliquent dès lors que le montant du marché complémentaire est égal ou supérieur aux seuils de procédure européens. Dans une telle hypothèse, le marché complémentaire doit être soumis à la CAO, qui est compétente pour l’attribuer. Seule l’urgence impérieuse de l’article 35-II-1° du CMP permet d’attribuer un tel marché complémentaire « sans réunion préalable de la commission d’appel d’offres » (articles 25 et 66-VI).

mardi 29 janvier 2013

De la rigueur du règlement de consultation par Benoit Fleury

De la rigueur du règlement de consultation par Benoit Fleury


« La lettre tue, l’esprit vivifie » (2 Co, 3 : 7) ; voilà une parole de saint Paul que le juge des référés du tribunal administratif de Lyon n’a pas fait sienne. Saisi par un candidat dont l’offre avait été déclarée irrégulière, il a interprété strictement le règlement de consultation du marché (TA Lyon, ord. réf., 17 oct. 2012, n° 1206383, Sté Naoned Systèmes).

1 – Faits


Par un avis d’appel public à la concurrence en date du 15 juin 2012, la ville de Lyon a lancé une procédure d’appel d’offres ouverte pour l’attribution du marché de renouvellement du système d’information des archives municipales.
Le 25 septembre 2012, l’offre d’un candidat – la société SARL Naoned Systèmes – a été rejetée comme étant irrégulière. La commune considérait en effet que le bordereau des prix unitaires (BPU) remis à l’appui de l’offre était incomplet et par là même en contradiction avec le règlement de consultation.
Le cadre du BPU fourni dans le dossier de consultation précisait il est vrai très clairement que toutes les cellules de prix devaient être renseignées « quitte à mettre 0 euros avec un commentaire d’explication ». Or, le BPU inclus dans l’offre de la société Naoned Systèmes n’était renseigné, dans la section n° 4 « Prestation forfaitaire d’intégration de la solution complète », elle-même subdivisée en deux items « Forfait d’intégration de la solution complète (hors reprise des données) » et « Forfait de reprise complète des données », que sur le plan de la quantité, sans aucune indication de prix forfaitaire H.T. ou de total ni aucun commentaire.

2 – Argumentaire de la société requérante


Contestant son éviction, la société a saisi le juge du référé précontractuel d’une requête tendant à la suspension de la passation du marché à conclure entre la ville de Lyon et l’entreprise retenue et demandant d’enjoindre à la commune de reprendre la procédure au stade de l’étude des dossiers des candidatures et d’offres.
Deux arguments principaux soutenaient ces prétentions.
La société avançait d’une part que la ville de Lyon avait méconnu les dispositions de l’article 53 du code des marchés publics dans la mesure où les informations absentes du BPU se trouvaient dans d’autres documents soumis au pouvoir adjudicateur, en l’espèce le détail quantitatif estimatif (DQE) et l’acte d’engagement qui mentionnait le prix global.
Dès lors, elle estime que la commune disposait des éléments nécessaires pour procéder à l’analyse de son offre en dépit d’une erreur purement matérielle.
Elle considérait d’autre part que la commune avait violé les prescriptions de l’article 59 du code des marchés publics en ne l’invitant pas à régulariser son offre. S’agissant d’une erreur matérielle une telle demande ne heurte pas le principe de l’intangibilité de l’offre.

3 – Décision du TA


Benoit-FleuryAucune de ces motivations n’a séduit le juge des référés lyonnais. Commençons par la seconde. L’article 59 visé prévoit bien qu’en appel d’offre ouvert, « il ne peut y avoir de négociation avec les candidats. Il est seulement possible de demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre ». Mais il ne s’agit là que d’une simple faculté offerte au pouvoir adjudicateur et non d’une obligation. « Le pouvoir adjudicateur, rappelle le magistrat, n’est jamais tenu de faire usage de cette possibilité lorsque lui sont remises des offres comportant des contradictions ou ambiguïtés ou des offres qui ne sont pas complètes ». Dès lors, la ville de Lyon n’a pas manqué à ces obligations de ce chef. Sur le premier point en revanche, il peut paraître incompréhensible, de prime abord, que la commune ne procède pas elle-même à la régularisation dans la mesure où elle dispose des éléments, alors qu’en l’espèce l’offre de la société Naoned Systèmes était financièrement plus intéressante que celle de sa concurrente. Le tribunal administratif demeure inflexible et livre une interprétation stricte des textes du code estimant que
« la circonstance que le devis quantitatif estimatif inclus dans l’offre ait, quant à lui, mentionné des prix forfaitaires correspondant à ces deux prestations [pour lesquelles le BPU n’indiquait aucun prix], n’imposait pas au pouvoir adjudicateur de reporter spontanément ces prix sur le BPU dès lors que si les mentions portées dans le cadre du DQE organisaient une possibilité de rectifier des erreurs ou des mauvais reports de prix affectant ce document, à partir des seuls prix de référence indiqués au BPU, aucune disposition ne prévoyait une possibilité de correction symétrique dans l’hypothèse inverse ; qu’il n’était pas davantage tenu de procéder à une telle rectification à partir du montant total de l’offre figurant dans le projet d’acte d’engagement, quand bien même correspondait-il au total mentionné dans le DQE ».
Une approche aussi ferme surprendra l’observateur attentif de l’achat public, d’autant que le tribunal administratif de Nice, dans une affaire similaire à propos d’un appel d’offres en vue de la passation d’un marché à bon de commande ayant pour objet la refonte de l’infrastructure de stockage informatique avait conclu à la solution inverse :
« considérant que si le pouvoir adjudicateur est tenu de rejeter une offre irrégulière, il lui appartient toutefois d’apprécier la régularité de cette offre sans se borner au constat de la seule absence d’un renseignement exigé par les documents de la consultation ; qu’ainsi, sous réserve de l’égalité entre les entreprises candidates, l’absence de renseignement d’un prix ferme et forfaitaire dans une ligne préremplie du bordereau des prix unitaires exigé par le pouvoir adjudicateur à l’appui des offres, ne justifie pas à elle seule l’élimination de cette offre comme irrégulière dès lors que ce renseignement, sans qu’il soit raisonnablement possible de se méprendre sur sa teneur, figure effectivement dans ledit document, mais sans avoir été reporté au sein de cette ligne préremplie, ainsi que dans les autres documents composant l’offre et notamment le devis estimatif uniforme exigé par le pouvoir adjudicateur pour comparer les offres » (TA Nice, ord. réf., 8 nov. 2010, n° 1004131, Sté APX).

Il y a fort à parier que ce pragmatisme l’emporterait devant la Haute juridiction.

jeudi 17 janvier 2013

Benoit Fleury : irrégularité d’une résiliation

Benoit Fleury : irrégularité d’une résiliation


Les sanctions coercitives et résolutoires prises par les personnes publiques en matière de marché public ne peuvent laisser place à l’arbitraire. Elles doivent en particulier respecter les règles de forme en vigueur. Le Conseil d’Etat vient de le rappeler avec force conviction (CE 15 nov. 2012, n° 349840, Sté Travaux Guil-Durance).

1 – Faits


En l’espèce, une entreprise de travaux – la société Travaux Guil-Durance – s’est vu notifier le 31 octobre 2001 la résiliation d’un marché de travaux de gros œuvre pour la construction d’un collège par le directeur d’une société maître d’ouvrage déléguée du conseil général des Bouches du Rhône.
La société a contesté cette résiliation et demandé au juge administratif la condamnation du département à l’indemniser de la perte du solde du marché. Par une demande reconventionnelle, le département de son côté a demandé à la société une indemnisation liée aux surcoûts des opérations tendant à l’achèvement de la construction du collège. Le tribunal administratif, dans un jugement du 10 juin 2008, puis la Cour administrative d’appel de Marseille, par un arrêt du 4 avril 2011, ont fait partiellement droit à la requête du département en condamnant la société à lui verser un somme d’un peu plus de 3 millions d’euros.


2 – Devant la Haute juridiction


L’entreprise arguait en revanche de l’irrégularité formelle de la décision de résiliation, à double titre :
- d’une part, le pouvoir de résiliation n’est pas au nombre des compétences que le maître d’ouvrage peut transférer au maître d’ouvrage délégué ;
Benoit-Fleury- d’autre part, la décision de résiliation en pouvait être autorisée que par le conseil général ou, sur délégation de celui-ci, par la commission permanente conformément à l’article L. 3211-2 du code général des collectivités territoriales.

Les premiers juges ont écarté cet argument au motif que la résiliation était justifiée au fond. La Haute juridiction administrative ne partage pas cet avis et affirme au contraire que
« le caractère irrégulier de la décision de résilier un marché public est susceptible de faire obstacle à ce que le surcoût résultant de cette résiliation soit mis à la charge de son titulaire, alors même que la résiliation serait justifiée au fond ».
Benoit-FleuryCette décision s’inscrit dans une jurisprudence bien établit en matière de respect de la forme en cas de résiliation d’un marché public. On peut en remémorer quelques exemples. Le Conseil d’Etat a notamment pu souligner l’importance de respecter la mise en demeure préalable à toute résiliation et prévue aux cahiers des clauses administratives générales, même si la résiliation est justifiée en l’espèce par le non respect par le cocontractant des exigences du devis descriptif et des cadences de travail prévues : « Eu égard à l’irrégularité de la résiliation, l’entreprise ne doit pas supporter les conséquences onéreuses de cette mesure et le maître d’ouvrage n’est par suite pas fondé à lui réclamer le paiement des dépenses supplémentaires causées par le retard d’exécution des travaux des autres corps d’état imputable à la résiliation. En revanche le maître d’ouvrage a droit au remboursement du trop perçu par l’entreprise sur les acomptes qui lui ont été payés et au paiement des frais de dépose et de stockage des matériaux ayant servi aux travaux qu’il a à bon droit refusés » (CE 8 nov. 1985, n° 40449, 40451, Entreprise Yvon Ozilou) ».

En tout état de cause, s’impose le respect du principe des droits de la défense (CAA Nancy, 6 déc. 2007, n° 06NC00808, SA Idex Energie Est c/ OPHLM Cus Habitat).
Dans notre affaire, la dette est effacée !

3 – Liens


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Plus d’actualité sur la commande publique :
-         pondération des critères ;
-         Durée des marchés publics ;
-         Loyauté contractuelle ;

lundi 7 janvier 2013

Pondération des critères par Benoit Fleury

Pondération des critères


Q – Faut-il indiquer les modalités de pondération des critères dans l’avis d’appel public à la concurrence ?


Réponse du Ministère de l’économie et des finances publiée au JO Sénat, Q. n° 02394, 27 décembre 2012, p. 3067.


Benoit-Fleury
Non. Il ressort des dispositions de l’article 52-II du Code des marchés publics que, dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres restreint, le pouvoir adjudicateur peut décider de limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre.
S’il met en œuvre cette faculté, les candidats doivent être sélectionnés sur la base de critères objectifs et non discriminatoires qui doivent être annoncés dans l’avis d’appel public à concurrence.
Dans ce cas, le Code des marchés publics impose l’annonce des critères de sélection des candidatures mais n’exige pas qu’ils soient pondérés.
La directive n° 2004/18/CE n’impose pas non plus au pouvoir adjudicateur, dans le cadre de la procédure restreinte, de pondérer les critères de sélection des candidatures.
Ni la directive, ni le Code des marchés publics ne contraignent donc l’acheteur public à hiérarchiser ou pondérer les critères au stade de la sélection des candidatures mais ne l’interdisent pas.
Ainsi, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé qu’en procédure formalisée, lorsque les critères de sélection des candidatures ont été pondérés, la pondération doit être annoncée dans l’avis de publicité ou les documents de la consultation.
Le Conseil d’Etat a jugé récemment que cette exigence ne s’applique pas en procédure adaptée : « L’information appropriée des candidats n’implique pas que le pouvoir adjudicateur indique les conditions de mise en œuvre des critères de sélection des candidatures » (CE, 24 février 2010, Cté de communes de l’Enclave des Papes, n° 333569).

vendredi 21 décembre 2012

Benoit Fleury - Marchés de prestations mixtes

Marchés de prestations mixtes


Q – Comment qualifier un marché public comportant des prestations de nature différente ?


Réponse du Ministère de l’économie et des finances, publiée au JO Sénat, Q. n° 00303, 6 décembre 2012, p. 2825.


« Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne que lorsqu’un contrat contient à la fois des éléments ayant trait à un marché public de travaux ainsi que des éléments ayant trait à un autre type de marché, c’est l’objet principal qui détermine les règles communautaires applicables (CJCE, 19 avril 1994, C-331/92, Gestion Hotelera Internacional ; CJCE, 18 janvier 2007, C-220/05, Jean Auroux et autres contre commune de Roanne).
La Cour de justice de l’Union européenne retient une acception finaliste du critère de « l’objet principal », acception centrée sur la « raison d’être » du contrat (conclusions de l’avocat général dans l’affaire Commission contre Allemagne, C-536/07) et non sur le seul montant respectif des prestations composant son objet.

Benoit-Fleury-GUD
La détermination de l’objet principal du contrat doit, selon la Cour, avoir lieu au regard des « obligations essentielles » qui prévalent et qui caractérisent le marché, par opposition à celles qui ne revêtent qu’un caractère accessoire ou complémentaire, le montant respectif des différentes prestations n’étant qu’un critère parmi d’autres à prendre en compte (CJCE, 21 février 2008, C-412/04, Commission contre République italienne ; CJUE, 26 mai 2011, C-306/08, Commission européenne contre Royaume d’Espagne). La Cour précise dans l’arrêt du 21 février 2008 que « le montant des travaux ne saurait constituer, en toutes circonstances, le critère exclusif ».
Concrètement, pour le juge communautaire, même si le montant des travaux est inférieur à celui des services, l’objet principal du contrat réside, malgré tout, dans la réalisation de travaux, s’il apparaît que ces derniers constituent l’objectif prioritaire poursuivi par le pouvoir adjudicateur. Cette analyse est reprise par le juge national qui s’attache à l’objet principal du contrat pour procéder à la qualification d’un marché à objet mixte de travaux et services (CE, 10 mars 2006, , n°284802, société Unibail Management ; TA de Paris, ordonnance du 23 février 2007, n°0701657, société Clear Channel ; TA de Cergy-Pontoise, 7 juin 2011, n°09-09950 et n°09-12395, société 2H Energy) ».

mardi 18 décembre 2012

Benoit Fleury - Durée des marchés publics

Durée des marchés publics


            La doctrine administrative est revenue tout récemment sur la problématique de la durée d’un marché public.

1 – Durée excessive


Q – Une durée de six années pour la pose de panneaux lumineux est-elle excessive ?

 

Réponse du Ministère de l’économie et des finances publiée au JO Sénat, Q. n° 00138, 6 décembre 2012, p. 2824.


« Hormis les accords-cadres, les marchés à bons de commande, les marchés complémentaires passés en procédure négociée et les marchés relatifs à des opérations de communication, pour lesquels le Code des marchés publics prévoit une durée maximale, la durée d’un marché public (CMP), ainsi que, le cas échéant, le nombre de ses reconductions, sont fixés librement par le pouvoir adjudicateur.
Toutefois, l’article 16 du CMP précise que cette durée est fixée en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité d’une remise en concurrence régulière. Le juge administratif censure ainsi les marchés conclus sans précision de durée ou assortis d’une durée trop longue.

La détermination de la durée du marché doit être adaptée à l’objet, au montant et aux caractéristiques du marché. Il est loisible à l’acheteur public de déterminer la durée du marché en l’adaptant à son objet. En l’espèce, une durée de six ans pour des panneaux lumineux n’apparaît pas excessive. Les sanitaires publics, dès lors qu’ils nécessitent la mobilisation de moyens importants pour être installés ou désinstallés, peuvent justifier la passation d’un marché de plus longue durée, de douze ou quinze années ».
Benoit-Fleury-Conseil-General-Vendee 

2 – Durée maximale des marchés publics


Q – Quelle est la durée maximale d’un marché public ?


Réponse du Ministère de l’économie et des finances publiée au JO Sénat, Q. n° 00113, 6 décembre 2012, p. 2824.


« En dehors des cas énumérés dans son article 16, le Code des marchés publics ne prévoit pas de durée maximale qui s’imposerait à l’ensemble des marchés. Rien n’interdit donc aux acheteurs publics de passer des marchés pluriannuels. Toutefois, la durée du marché ne doit pas être excessive.
Elle doit tenir compte :
- d’une part, de la nature des prestations, c’est-à-dire du temps nécessaire à leur réalisation ou encore de la durée d’amortissement des matériels nécessaires à l’exécution du marché ;
- d’autre part, de la nécessité d’une remise en concurrence périodique, laquelle doit être appréciée en fonction de son objectif qui est de vérifier la convenance des prestations et des prix aux besoins exprimés.
A ce titre, l’acheteur public devrait tenir compte notamment des évolutions technologiques et économiques prévisibles. C’est donc au cas par cas que doit être appréciée la durée possible des marchés.

Benoit-Fleury-Poitiers-UniversiteUn contrat portant sur la fourniture, l’installation, la formation et la maintenance de l’outil informatique ne peut pas, sauf exception liée à des investissements lourds non amortissables au titre d’autres contrats, être conclu pour une durée de 10 ans ou 20 ans d’autant que le produit fourni sera frappé d’obsolescence au bout de quelques années ». 

3 – Plus d’actualités sur la commande publique


-         Commande publique ;
-         Décompte général ;
-         De nouveau Béziers !



lundi 17 décembre 2012

Benoit Fleury : commande publique

Benoit Fleury : commande publique


La doctrine administrative est récemment revenu sur plusieurs points du droit de la commande publique.

1 – Publicité du coût du marché


Q – L’estimation du coût du marché doit-elle figurer dans les documents d’appel public à la concurrence ?


Réponse du Ministère de l’économie et des finances publiée au JO Sénat, Q. n° 02397, 6 décembre 2012, p. 2826.


« L’article 40 du code des marchés publics (CMP) précise les modalités de publicité préalable à une procédure de passation d’un marché ou d’un accord-cadre. Cette disposition a été intégralement réécrite par le décret n° 2011-1000 du 25 août 2011. Elle distingue désormais l’organisation de la publicité selon le montant estimé du besoin, dont l’évaluation incombe au pouvoir adjudicateur.

Benoit-Fleury-Conseil-General-Vendee
Pour les marchés dont le montant estimé est compris entre 90 000 € HT et les seuils de procédure formalisée définis à l’article 26 du CMP, les avis d’appel public à la concurrence sont établis selon le modèle fixé par l’arrêté du 27 août 2011 pris en application des articles 40 et 150 du CMP et fixant le modèle d’avis pour la passation des marchés publics et des accords-cadres. Ce modèle ne prévoit pas de rubrique particulière pour indiquer le montant du marché, estimé par l’acheteur public.
Aucune zone obligatoire ne contraint le pouvoir adjudicateur à préciser une telle information.
Au-dessus des seuils de procédure formalisée, les avis d’appel public à la concurrence sont établis conformément aux formulaires obligatoires établis par le règlement communautaire (CE) n° 842/2011 de la Commission du 19 août 2011 établissant les formulaires standard pour la publication d’avis dans le cadre de la passation de marchés publics.
La rubrique II.2.1 du formulaire européen d’avis de marché, intitulée « Quantité ou étendue globale », permet à l’acheteur public d’indiquer, « le cas échéant », la valeur estimée hors TVA du marché ou une fourchette estimative de son montant estimatif.
Il n’existe donc aucune obligation de préciser, dans un avis de publicité européen, le montant du besoin estimé par le pouvoir adjudicateur. Dans le cadre d’un recours contre un appel d’offres ouvert, le Conseil d’État a jugé « qu’aucune disposition du code des marchés publics ni aucune règle ne met à la charge de la personne responsable du marché une obligation de publicité quant au montant prévisionnel du marché qu’elle entend attribuer » (CE, 6 janvier 2006, Syndicat mixte de collecte, de traitement et de valorisation des déchets du Vendômois, n° 281113).
Dans la fiche technique « Comment utiliser les formulaires européens ? » mise en ligne sur la page Marchés publics du portail de l’économie et des finances, la direction des affaires juridiques des ministères économique et financier conseille aux acheteurs publics de ne pas indiquer le montant estimé hors TVA du marché. Il existe, en effet, un risque de voir les candidats aligner leurs offres sur ce montant estimatif, faussant ainsi le libre jeu de la concurrence.
Quel que soit le montant estimé du besoin, les acheteurs publics n’ont donc aucune obligation d’indiquer dans leur avis de publicité une estimation du prix des prestations attendues. Il n’existe aucune différence, sur ce point, entre les marchés dont le montant estimé est compris entre 90 000 € HT et les seuils de procédure formalisée et ceux dont ce même montant est supérieur aux seuils européens ».

2 – Information des délais et voies de recours


Q – La décision d’attribution doit-elle préciser les délais et voies de recours ouvert contre le contrat ?


Réponse du Ministère de l’économie et des finances publiée au JO Sénat, Q. n° 00667, 6 décembre, 2012, p. 2826.


« Non. L’information des candidats non retenus, à l’issue d’une procédure de passation d’un marché public, constitue une formalité essentielle d’achèvement de la procédure, tant en vertu du principe de transparence rappelé à l’article 1er du code des marchés publics, qu’au regard de ses effets sur les voies de recours ouvertes à ses destinataires. Dès que l’acheteur public a fait son choix pour l’offre économiquement la plus avantageuse, l’article 80 du code des marchés publics lui impose de notifier à tous les autres candidats le rejet de leur offre.
Dans le cadre de cette notification, doivent être indiqués au candidat non retenu : les motifs de ce rejet, le nom de l’attributaire et les motifs qui ont conduit au choix de son offre, ainsi que la durée du délai de suspension de la signature du marché que la personne publique entend respecter. Les délais et voies de recours ne font pas partie des mentions obligatoires.
Benoit-Fleury-Vendee-Universite-poitiersLa décision de rejet d’une offre constitue une décision administrative détachable du contrat. Elle peut dès lors faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif, dans un délai de deux mois à compter de sa notification. Conformément au droit commun, ce délai n’est opposable qu’à la condition d’avoir été mentionné dans la notification (article R. 421-5 du code de justice administrative ; CE, 8 juin 1994, M. Mas, n° 141026).
En revanche, aucun texte ni aucun principe général du droit n’impose d’indiquer, dans la notification de la décision d’attribution, les délais et voies de recours ouverts contre la procédure ou le contrat lui-même.
Les autres voies de recours (référés précontractuel et contractuel, recours en contestation de validité du contrat) ne sont pas ouvertes contre la décision de rejet d’une offre, mais contre la procédure ou le contrat. Il n’y a donc pas lieu de les mentionner dans la lettre de notification au candidat évincé.  Ces voies et délais de recours figurent, par ailleurs, obligatoirement dans les avis de publicité (avis d’appel public à la concurrence, avis d’intention de conclure et avis d’attribution).
Le formulaire NOTI3, « notification de rejet de candidature ou d’offre », ne revêt aucun caractère obligatoire. Il s’agit d’un modèle qui peut être utilisé par l’acheteur public pour informer un candidat du rejet de son offre. Le formulaire est mis à la disposition des pouvoirs adjudicateurs par la direction des affaires juridiques, pour leur permettre de formaliser une des étapes de la procédure de passation d’un marché et se conformer à leurs obligations.
Il est recommandé à ses utilisateurs de l’adapter, pour tenir compte de l’objet et des caractéristiques de leur marché. Conformément à l’article 80-I-1° du code des marchés publics, la rubrique F du formulaire NOTI3 mentionne le délai de suspension de la signature du marché. Cette mention est obligatoire, pour permettre aux candidats évincés de former un référé précontractuel.
En mars 2012, cette rubrique a été complétée pour préciser qu’un référé précontractuel peut être exercé « contre la présente procédure de passation, devant le président du tribunal administratif, avant la signature du marché public ». Pour assurer une information exhaustive des candidats évincés, il est en effet apparu nécessaire d’indiquer tous les recours ouverts aux destinataires de la lettre de rejet jusqu’à la signature du contrat.
Le référé contractuel et le recours en contestation de validité du contrat sont ouverts après la signature du marché, à un stade qui marque le début de son exécution et clos la procédure de passation. En outre, ils sont soumis à des règles particulières concernant la computation du délai de recours contentieux et les requérants intéressés. Pour éviter toute confusion, ces deux voies de recours ne sont donc pas mentionnées dans le formulaire NOTI3 ».



vendredi 14 décembre 2012

Benoit Fleury - Décompte général

Décompte général


Les praticiens le savent : le droit de la commande publique attache une grande importance au formalisme. Une décision de la Cour administrative de Bordeaux illustre ce point en soulignant à nouveau toute l’importance du décompte général en cas de résiliation d’un marché public (CAA Bordeaux, 23 oct. 2012, n° 11BX02842, SARL SODEXI et a.).

1 – Faits et procédure


A la suite d’une procédure d’appel d’offre, la communauté intercommunale du Nord de la Réunion (CINOR) a attribué, le 2 septembre 2003, au groupement composé de la SARL SODEXI, de la SARL Antoine Perreau Architectures et de la société SOGREA, dont le mandataire était la SARL SODEXI, un marché de maîtrise d’œuvre relatif à l’aménagement du site Bocage Niagara sur le territoire de la commune de Sainte-Suzanne pour un montant d’honoraire global et forfaitaire de 564.255 € H.T. calculé sur la base d’une enveloppe prévisionnelle des travaux estimée à la somme de 6.650.000 € H.T.
L’acte d’engagement a été signé le 2 octobre 2003. La représentation de la CINOR a été confiée à la société d’économie mixte d’aménagement, de développement, d’équipement de la Réunion (SEMADER) en qualité de mandataire.
Au cours de l’exécution du marché de maîtrise d’œuvre, l’avant-projet des travaux établi par le groupement de maîtrise d’œuvre a été réalisé sur la base d’une enveloppe prévisionnelle des travaux de 17.800.000 €, au lieu des 6.650.000 € H.T. fixés par le maître d’ouvrage dans l’acte d’engagement.
Estimant que cette étude d’avant-projet avait été acceptée tacitement à partir du 30 novembre 2004, à la suite d’un avis favorable émis par un comité de pilotage lors d’une réunion le 14 octobre 2004, le groupement de maîtrise d’œuvre a demandé une réévaluation de ses honoraires sur la base de son estimation de l’enveloppe prévisionnelle des travaux dans le cadre d’un avenant au marché. En l’absence de conclusion d’un avenant, le groupement de maîtrise d’œuvre a consigné le 18 février 2005 chez un huissier de justice le dossier d’avant-projet.
A la suite d’une mise en demeure restée infructueuse de lui restituer le dossier d’avant-projet avant le 28 mars 2005 pour que le maître d’ouvrage puisse procéder à l’acceptation de celui-ci en application des articles 3.5 et 3.6 de l’acte d’engagement, la CINOR a décidé le 6 avril 2005 de résilier le marché de maîtrise d’œuvre signé le 2 octobre 2003 aux torts exclusifs du groupement.
Le 29 avril 2005, la SARL SODEXI a adressé au maître d’ouvrage un document comportant les honoraires qu’elle estimait être dus au groupement de maîtrise d’œuvre au stade de l’exécution de ses prestations, faisant apparaître un solde à payer de 63.708,82 € T.T.C. En l’absence de toute réponse du maître d’ouvrage, la SARL SODEXI et la SARL Antoine Perreau Architectures ont saisi le juge du contrat d’une demande de règlement financier du marché. Par un jugement du 30 juin 2011 (n° 0700298), le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté leurs requêtes. Les deux sociétés ont relevé appel de ce jugement demandant respectivement 209.090,75 € et 82.677,69 €.

2 – Des conséquences de l’absence de décompte général


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En l’espèce, le juge administratif a estimé qu’en l’absence de décompte de résiliation, il ne pouvait régler le litige. En pratique en effet, la décision de résiliation doit être accompagnée d’un décompte de liquidation, qui récapitule les débits et crédits du titulaire du marché après inventaire contradictoire des prestations réalisées ; étant précisé que ce décompte financier ne pourra être totalement établi au moment de la décision de la résiliation prononcée aux frais et risques. En effet, dans cette hypothèse, le règlement financier du marché initial ne pourra être fait qu’après exécution complète du marché de substitution.

  1. Cahier des charges et jurisprudence antérieure


S’agissant de prestations intellectuelles (PI) comme dans notre affaire, cette situation est expressément prévue par l’article 35.4 du cahier des clauses administratives générales en vigueur à l’époque des faits (devenu l’article 34.1 du nouveau CCAG-PI). Cette disposition doit être complétée par l’article 40.1 (devenu l’article 37) qui prévoit expressément qu’en l’absence de décompte de résiliation,
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« le différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l’objet, préalablement à toute instance contentieuse, d’un mémoire en réclamation de la part du titulaire du marché » et que « dans le cas où le maître de l’ouvrage n’établit pas le décompte général, il appartient à l’entrepreneur, préalablement à la saisine du juge, d’adresser au maître de l’ouvrage une mise en demeure d’y procéder ».
Le décompte général apparaît ainsi, en droit des marchés publics, le document essentiel permettant aux parties de fixer, de manière précise, le montant dû par la personne publique au titulaire du marché. Il joue un rôle pivot essentiel, puisque sans lui aucune contestation financière de l’entreprise titulaire du marché ne peut réellement aboutir. La Cour administrative d’appel de Nantes avait ainsi eu l’occasion de rappeler ce rôle fondamental du décompte général et de sa procédure de contestation, au détriment d’une société qui avait saisi le tribunal administratif avant l’intervention de ce document figeant les rapports financiers entre l’entreprise et le maître d’ouvrage. Il s’agissait certes alors d’une réclamation intervenue au cours de l’exécution d’un marché de travaux, mais la logique est similaire :
« Considérant qu’en vertu de l’article 13-44 précité du CCAG-Travaux, l’entrepreneur peut produire une réclamation devant le maître d’œuvre, dès avant la notification du décompte général ; qu’il lui incombe toutefois de reprendre ladite réclamation qui n’aurait pas fait l’objet d’un règlement définitif, dans un mémoire en réclamation qu’il est tenu de produire à la suite de la notification du décompte général, s’il n’approuve pas celui-ci ; qu’à défaut du respect par l’entrepreneur de ces stipulations, le décompte général du marché devient définitif, nonobstant l’existence d’un litige pendant devant le juge administratif » (CAA Nantes 31 déc. 2004, n° 04NT00152, SA Cnim : Contrats publics, n° 45/2005, comm. S. Guillon-Coudray).

  1. Solution d’espèce


Dans notre affaire, le juge d’appel ne raisonne pas autrement. Il relève ainsi que postérieurement au courrier adressé par la SARL SODEXI le 29 avril 2005 – qui doit être regardé comme le décompte final – le maître d’ouvrage « n’a pas arrêté ni notifié le décompte de résiliation ». En conséquence,
« confrontée à l’absence de notification d’un décompte général par le maître d’ouvrage, la SARL SODEXI , mandataire du groupement, devait s’acquitter de l’obligation de présenter un mémoire en réclamation en mettant le maître d’ouvrage en demeure d’établir un décompte général ; que faute pour le maître d’œuvre d’avoir mis en œuvre cette procédure, la SARL SODEXI et la SARL Antoine Perreau Architectures ne sont pas recevables à saisir directement le juge du contrat d’une demande de règlement financier du marché ».
 

3 – Liens utiles


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