Affichage des articles dont le libellé est recrutement universitaire. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est recrutement universitaire. Afficher tous les articles

mercredi 28 novembre 2012

A l'université par Benoit Fleury

A l’université par Benoit Fleury


On se souvient certainement que la loi LRU avait profondément modifié la procédure de recrutement des enseignants du supérieur, notamment en supprimant les fameuses commissions de spécialistes permanentes pour les remplacer par des comités de sélection ad hoc, institués pour chaque recrutement. Elle octroyait en outre un large pouvoir aux conseils d’administration et aux Présidents des universités. Il en résultait un nouvel équilibre au sein des instances universitaires. Suivant l’article 9-2 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 modifié, le conseil d’administration statue après la délibération d’un comité de sélection qui émet sur chaque candidature et sur le classement éventuellement effectué, un avis motivé.

1 – Critique


Largement critiquée par la doctrine (voir par exemple A. Legrand, La démocratie de participation, un pari pour l’université : AJDA 2007, p. 2041 ; Id. Pour une crédibilité du recrutement des enseignants-chercheurs : AJDA 2009, p. 1527 ; R. Romi et T. Le Mercier, Les nouvelles modalités de recrutement des enseignants : une réforme à parfaire ? : AJDA 2009, p. 192), la nouvelle procédure n’a pas manqué d’alimenter un contentieux suivi.
Benoit-Fleury 

2 – Premiers Contentieux


Le Conseil constitutionnel, dans sa décision Combacau du 6 août 2010 – à laquelle on a pu reprocher par ailleurs son interprétation restrictive du principe d’indépendance des professeurs d’université (B. Mathieu, De la disparition d’un principe constitutionnel : l’indépendance des professeurs d’université : JCP G 2010, p. 862) – a procédé à un rééquilibrage des pouvoirs des différents organes des établissements supérieurs en interdisant notamment aux conseils d’administrations, puis aux Présidents d’université de se fonder sur « des motifs étrangers à l’administration de l’université » pour refuser les propositions des comités de sélection (déc. n° 2010-20/21 QPC : AJDA 2011, p. 1791, note M. Verpeaux). Le Conseil d’Etat, à son tour, eut l’occasion d’affirmer que seul le comité de sélection des enseignants-chercheurs avait la qualité de jury et pouvait se prononcer sur la valeur, notamment scientifique, des candidats à un poste de professeur des universités ou de maître de conférences (CE 15 déc. 2010, n° 329056, Sté Collectif pour la défense de l’université : JurisData n° 2010-024410 ; JCP A 2011, act. 8 ; CE 9 fév. 2011, n° 329584, M. Bourgignon  : JurisData n° 2011-001331 ; JCP A 2011, act. 130, obs. J.-G. Sorbara ; CE 15 déc. 2011, n° 333809, El Kamel  : JurisData n° 2011-027484 et n° 334059, Rech : JurisData n° 2011-027490 ; JCP A 2011, act. 781, obs. J.-G. Sorbara).

3 – Décisions récentes


Dans deux arrêts récents, la Haute juridiction administrative poursuit ce travail de répartition des compétences en matière de recrutement des enseignants-chercheurs.

CE 19 octobre 2012, Mme Bouteyre

Ainsi, dans une décision du 19 octobre 2012 (CE 19 oct. 2012, n° 354220, Mme Bouteyre : AJDA 2012, p. 1986, obs. M.-C. de Montecler), les Sages du Palais royal admettent le rejet d’une candidature par le conseil d’administration, fondé sur l’inadéquation de la candidature avec le profil du poste. En l’espèce, une candidate à un poste de professeur en psychologie sociale à l’université de Nancy, classée deuxième par le comité de sélection, contestait la décision du conseil d’administration de ne retenir aucune candidature. Le Conseil d’Etat relève que le comité de sélection, tout en donnant un avis favorable à cette candidature, avait néanmoins souligné
Benoit-Fleury
«  que le profil de la candidate était assez éloigné du poste en termes d’enseignement et de recherche ». Dès lors, cette inadéquation justifie la décision du conseil d’administration sans que l’on puisse reprocher à celui-ci d’avoir méconnu la souveraineté du jury : « en se fondant sur ces constatations, qui ne remettent pas en cause l’appréciation des mérites de la candidate par le jury, le conseil d’administration n’a pas fait une inexacte application des pouvoirs qu’il tient des dispositions, citées plus haut, du code de l’éducation et n’a méconnu ni la souveraineté du jury ni l’indépendance des professeurs d’université ».

CE 19 octobre 2012, M. Sayah

Le même jour, le Conseil d’Etat eut à se prononcer sur les pouvoirs d’un Président d’université dans ce processus de recrutement (CE 19 oct. 2012, n° 344061, M. Sayah  : JCP A 2012, act. 747, obs. M. Touzeil-Divina). Un concours ouvert à l’université Toulouse II afin de pourvoir un poste de professeur de langues et cultures des pays arabes avait été en l’espèce interrompu par le Président de l’université sur recommandation du conseil d’administration au motif de la « partialité d’un rapport établit devant le comité de sélection ». Estimant la procédure irrégulière, le Président a choisit de l’interrompre. Le candidat classé premier contestait cette suspension. Pour faire droit à sa demande, le Conseil d’Etat estime
« qu’il appartient au président de l’université de faire usage […] des pouvoirs qu’il tient des dispositions […] de l’article 9-2 du décret du 6 juin 1984 pour ne pas donner suite à une procédure de recrutement entachée d’irrégularité ; que, toutefois, il ressort de l’examen du rapport litigieux que les réserves dont il était assorti […] consistant en particulier à souligner qu’un nombre significatif de publications de l’intéressé sortent du cadre de l’étude scientifique et concernent l’apologétique’, n’étaient pas étrangères à l’appréciation qu’il incombait au rapporteur de porter sur les mérites scientifiques du candidat et ne faisaient apparaître aucun manquement au principe d’impartialité ».
En conséquence, les magistrats administratifs ont enjoint au président de demander au conseil d’administration de bien vouloir réexaminer les candidatures.

Retrouvez cette chronique sur le blog du Village de la justice, ou sur Legavox.