vendredi 16 novembre 2012

De la réciprocité dans les marchés publics par Benoit Fleury

De la réciprocité dans les marchés publics par Benoit Fleury


1 – Quid


Au nom de la commission des affaires européennes, le sénateur Simon Sutour a déposé, le 6 novembre, une proposition de résolution européenne sur la réciprocité dans l’ouverture des marchés publics. Ce texte encourage l’adoption de la proposition de règlement proposée par la Commission européenne.
Le sénateur rappelle notamment les enjeux et défis que suppose une réciprocité effective dans l’ouverture des marchés publics aux entreprises des Etats membres de l’Union européenne : la concurrence déloyale d’entreprise et l’atteinte au libre échange. Le règlement accorderait aux pouvoirs adjudicateurs européens la faculté d’écarter une entreprise d’un Etat qui n’ouvrirait pas, ou insuffisamment, son marché aux entreprises étrangères. Le champ d’application est limité aux marchés « d’un montant supérieur ou égal à 5 millions d’euros lorsque la valeur des produits et services non couverts représente plus de 50% de l’offre ».

2 – Liens utiles


Benoit-Fleury-Marches-Publics-Reciprocite            Projet de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l’accès des produits et services des pays tiers au marché intérieur des marchés publics de l’Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l’accès des produits et services originaires de l’Union aux marchés publics des pays tiers (E 7237), 21 mars 2012.

jeudi 15 novembre 2012

Propositions de lois - Benoit Fleury

Propositions de lois – Benoit Fleury


Deux propositions de lois ont été présentées par le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, le mercredi 14 novembre s’inscrivant à la suite des états généraux de la démocratie locale. L’une porte sur le statut de l’élu local, l’autre sur la simplification des normes. Quelques grandes lignes.

1 – Le statut de l’élu (PPL n° 120)


La première proposition de loi préconise six mesures dans cinq articles, « qui ne sont pas coûteuses mais qui correspondent à des changements concrets demandés par les élus » (Jean-Pierre Sueur).

Exposé des motifs


« Au cours des États généraux de la démocratie territoriale, organisés par le président du Sénat, les 4 et 5 octobre derniers, la question récurrente du statut de l’élu a été abordée par de nombreux participants, soucieux de maintenir la vitalité de la démocratie locale qui est soutenue par ces milliers d’élus engagés au service de leurs concitoyens.
Nombreux sont ceux qui ont souligné combien le cadre législatif était inadapté, d’une part, à une plus grande diversité des titulaires de mandat et, d’autre part, à la conciliation des fonctions électives avec une activité professionnelle.
C’est pourquoi le Président du Sénat a missionné le président de la commission des lois et la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation pour proposer un texte permettant d’y remédier.
Il faut rappeler que le législateur a, au fil du temps, reconnu des garanties aux élus pour l’exercice des fonctions locales. Celles-ci constituent aujourd’hui une lourde charge pour ceux qui les assument en raison de la technicité croissante de l’action locale et des responsabilités correspondantes. Les lois du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux et du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, pour les plus récentes, ont notablement élargi ces facilités.

Benoit-Fleury-PPL-VendeeÀ la suite de l’adoption de ces lois, le code général des collectivités territoriales prévoit un ensemble de droits qui bénéficie, selon le cas, à l’ensemble des élus locaux ou seulement aux titulaires d’une fonction exécutive : droits d’absence (autorisations d’absence et crédits d’heures) et droit à la suspension du contrat de travail pour faciliter aux salariés du secteur privé l’exercice de leur mandat (complété, à l’issue du premier mandat, d’un droit à réintégration dans son emploi ou d’une priorité de réembauche après deux mandats) ; indemnités pour l’exercice des fonctions ; protection sociale (assurance maladie et retraite) ; formation ; facilités offertes pour permettre le retour à l’emploi (stage de remise à niveau, formation professionnelle et bilan de compétence ; allocation différentielle de fin de mandat).
Pourtant, ces mesures ne sont pas suffisantes.
C’est pourquoi les auteurs de la présente proposition de loi préconisent, dans ses cinq articles, des améliorations notables des garanties existantes applicables à l’ensemble des élus des régions, des départements et des communes.

Propositions


● Fixer au taux maximal l’indemnité allouée au maire dans les communes de moins de 3.500 habitants étendre le bénéfice de l’indemnité de fonction aux délégués des communautés de communes ayant reçu une délégation du président (dans les limites du montant total des indemnités maximales susceptibles d’être versées au président et aux vice-présidents).
● exclure la fraction représentative des frais d’emploi des indemnités de fonction perçues par les élus locaux des revenus pris en compte pour le versement d’une prestation sociale sous conditions de ressources.
● Faire passer de 20.000 à 10.000 habitants le seuil des communes (ou EPCI) dans lesquelles les adjoints au maire (ou vice-présidents) bénéficient du droit à suspension de leur contrat de travail et prévoir que tous les élus concernés conservent leur droit à réintégration professionnelle jusqu’à l’expiration de deux mandats consécutifs.
● Faire passer de six mois à un an la durée pendant laquelle est perçue l’allocation différentielle de fin de mandat.
● Instituer un dispositif de validation de l’expérience acquise au titre d’une fonction élective locale pour la délivrance d’un titre universitaire.
● Instaurer un plancher pour les dépenses de formation des élus votées par la collectivité à 3% de l’enveloppe des indemnités de fonction

2 – La simplification des normes (PPL n° 119)


Benoit-Fleury-PPL-VendeeS’agissant de la proposition de loi sur les normes, elle prévoit la création d’une Haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales qui remplacera l’actuelle Commission consultative d’évaluation des normes. Elle aura en son sein une commission spécialisée dans l’examen des normes des équipements sportifs. « Cette proposition vise à rassembler et n’est pas antinomique de la proposition de loi du sénateur Eric Doligé (UMP) dont l’examen se poursuit au Sénat », a précisé Jean-Pierre Sueur. Les sénateurs avaient été unanimes à vouloir réduire les normes imposées aux collectivités locales, à l’occasion de l’étude du texte d’Eric Doligé, mais ils n’avaient pas eu le temps de la voter le 24 octobre dernier. Cette proposition de loi que certains annonçaient déjà comme étant enterrée vient d’être inscrite pour une nouvelle discussion publique au Sénat le 12 décembre prochain. 

3 – Presse

Localtis, Le Moniteur.fr, L'Express, Maire info.



Benoit Fleury - Commande publique et doctrine administrative.

Benoit Fleury - Commande publique et doctrine administrative


Après les questions parlementaires liées au statut des fonctionnaires territoriaux, une petite série concernant les marchés publics.

1 – Une offre peut-elle comporter un prix approximatif ?


Q – Dans le cadre d’une prestation dont le contenu réel est difficile à cerner au préalable (par exemple prestation juridique ou travaux sur un bâtiment menaçant ruine), est-il possible d’agréer une offre comportant un prix approximatif et ajustable selon les circonstances ?


Réponse du Ministère de l’économie et des finances publiée au JO Sénat, Q n° 01625, du 25 octobre 2012, p. 2404.


Benoit-Fleury-Doctrine« Le prix est un élément essentiel du marché public. La juridiction administrative fait de l’absence dans le contrat de toute indication sur le prix ou sur les conditions de paiement une cause de nullité du marché (CE, 28 mars 1980, Société Cabinet « 2000 », n° 07703). Le prix proposé dans une offre doit pouvoir être clairement déterminé ou déterminable par le pouvoir adjudicateur. La proposition faite par un candidat, dans son acte d’engagement, d’un prix global précédé d’un symbole mathématique signifiant « approximativement égal à » ne permet pas de considérer que le prix proposé a un caractère définitif et doit être considérée comme irrégulière (CAA de Versailles, 15 novembre 2011, Cabinet MPC Avocats, n° 08VE02781). L’offre approximative ne peut être accueillie par le pouvoir adjudicateur sous peine de méconnaître le principe d’égalité entre candidats (CE, 9 mars 1960, Massida, n° 39717). Accepter une offre dont le prix est approximatif comporte outre un risque juridique, un risque financier et comptable non négligeable pour le pouvoir adjudicateur. Certains marchés peuvent néanmoins être conclus sur la base d’un prix provisoire. Il ne deviendra définitif qu’au cours de l’exécution du marché. Le recours aux prix provisoires est possible dans les hypothèses exceptionnelles mentionnées aux articles 19 et 35-I-4 du code des marchés publics (CMP) et précisées notamment par le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux - articles 14 et 21.2). Le non-respect de ces conditions est susceptible d’entraîner la nullité des marchés conclus à prix provisoires (CE, 8 décembre 1982, Sté Losfeld-Industries c/ministre de la défense, n° 33375). Le défaut de détermination d’un prix par le candidat peut être la conséquence d’une définition insuffisante des besoins par le pouvoir adjudicateur, d’où la nécessité, pour le pouvoir adjudicateur, de définir avec précision l’objet de son marché. L’acheteur public doit mener une analyse poussée de ses besoins afin de garantir la sécurité juridique de ses achats. La notion de besoin va déterminer la mise en application, le respect des principes et des règles de mise en concurrence, l’appréciation des seuils de procédure qui structurent la passation des marchés et conditionnent leur légalité. Cependant, les dispositions du code des marchés publics peuvent permettre de gérer l’incertitude sur les besoins de l’acheteur. Si celle-ci porte à la fois sur les objectifs à atteindre et sur les moyens d’y parvenir, l’acheteur peut recourir à la procédure du dialogue compétitif (article 36), si les conditions de recours sont remplies. Lorsque l’incertitude pèse sur la quantité ou l’étendue des besoins à satisfaire, le pouvoir adjudicateur peut faire usage des accords-cadres (article 76) ou du marché à bons de commande (article 77) ».

2 – Mandat confié à un agent immobilier et commande publique


Q – Le mandat confié à un agent mobilier par une collectivité en vue de la vente d’un bien immobilier relève-t-il du Code des marchés publics ?


Réponse du Ministère de l’économie et des finances publiée au JO Sénat, Q n° 01615, 25 octobre 2012, p. 2403.


Benoit-Fleury-Doctrine« L’article 1er du code des marchés publics définit les marchés publics comme des contrats conclus à titre onéreux par des pouvoirs adjudicateurs avec des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. Le contrat par lequel une collectivité territoriale charge une agence immobilière de vendre des terrains sera par conséquent soumis aux dispositions du code des marchés publics s’il présente un caractère onéreux. La notion d’onérosité n’implique pas nécessairement le versement d’une somme d’argent par la collectivité. Sont considérés comme onéreux, les contrats dans lesquels le cocontractant perçoit un prix. En l’espèce, ce prix correspond aux frais d’agence versés par l’acquéreur du bien. La collectivité renonce ainsi à une partie du montant d’achat des terrains, qui est versée au prestataire de services, l’agence immobilière. Le caractère onéreux du contrat résulte donc d’un abandon, par la collectivité, d’une partie de la recette liée à la vente du terrain. Les services d’agence immobilière, référencés sous le n° 7030000-4 de la nomenclature européenne CPV, relèvent de la catégorie 14 de l’annexe IIA de la directive n° 2004/18/CE du 31 mars 2004 modifiée et donc de l’article 29 du code des marchés publics. Les contrats portant sur de tels services doivent par conséquent être passés selon les procédures de droit commun prévues par le code des marchés publics ».

3 – Durée des contrats de maintenance des outils informatiques


Q – La durée des contrats de maintenance des outils informatiques peut-elle excéder les quatre années prévues dans le code des marchés publics ?


Réponse du Ministère de l’économie et des finances publiée au JO Sénat, Q n° 00114, 1er novembre 2012, p. 2479.


Benoit-Fleury-Doctrine« La règle de durée de validité de quatre années maximum des marchés publics s’applique aux marchés à bons de commande et aux accords-cadres. Cette règle est assouplie « dans des cas exceptionnels dûment justifiés, notamment par leur objet ou par le fait que leur exécution nécessite des investissements amortissables sur une durée supérieure à quatre ans » (articles 76-V et 77-II du Code des marchés publics, CMP). Le pouvoir adjudicateur doit pouvoir justifier qu’il se trouve dans un cas exceptionnel.
La jurisprudence étant quasi inexistante sur ce point, il convient de s’en tenir à une interprétation stricte des dérogations prévues. Pour exemple, il a été jugé qu’une durée de cinq ans n’apparaissait pas excessive eu égard aux caractéristiques des prestations d’un marché à bons de commande portant sur la maintenance et l’exploitation des installations de climatisation, chauffage, désenfumage mécanique et compartimentage du musée du Louvre (TA Paris 22 mars 2010, Société Idex énergies, n° 1003599/3-5).
Les contrats ayant pour objet la seule maintenance des outils informatiques ne semblent pas pouvoir entrer dans les dérogations prévues aux articles 76-V et 77-II du CMP. Ils ne portent en effet que sur la maintenance. Ils ne nécessitent pas des investissements qui, ne pouvant être amortis sur la durée du contrat, pourraient justifier un allongement de la durée du marché. Il appartiendra à l’acheteur public de déterminer au cas par cas si des impératifs justifient que la durée de validité du marché puisse dépasser quatre années ». 

mercredi 14 novembre 2012

Fonction publique par Benoit Fleury

Fonction publique par Benoit Fleury


Deux questions parlementaires, récentes là encore,  éclaireront quelques points pratiques du statut de la fonction publique.

1 – Disponibilité et droit au chômage


Q – Quid de l’agent qui ne se voit pas proposer d’emploi par sa collectivité d’origine à l’issue de sa disponibilité ?


Réponse du Ministère de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique : JOAN Q n° 1489, 6 novembre 2012, p. 6314.


La disponibilité place le fonctionnaire hors de son administration ou service d’origine, conformément à l’article 72 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. L’article 21 du décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l’intégration, précise que la disponibilité, sur demande de l’intéressé pour convenances personnelles, ne peut excéder dix années pour l’ensemble de la carrière. Le lien avec l’employeur n’est pas rompu et l’intéressé a vocation à réintégrer sa collectivité d’origine à l’issue de la mise en disponibilité. Toutefois, il n’a pas de droit à être réintégré dans l’emploi qu’il occupait avant sa disponibilité ni dans un emploi équivalent. Il peut ainsi se voir proposer tout emploi correspondant à son grade, éventuellement dans une autre collectivité ou un autre établissement (CE, 25 mars 2002, n° 195699, M. Jean-Louis X.). Faute de réintégration possible due à l’absence d’emploi vacant, l’agent est maintenu en disponibilité et considéré comme involontairement privé d’emploi. Il résulte en effet d'un arrêt du conseil d'Etat du 10 juin 1992, (n° 108610, Bureau d'aide sociale de Paris) qu’un fonctionnaire mis en disponibilité et qui n’a pu obtenir sa réintégration faute d’emploi vacant, doit être regardé comme involontairement privé d’emploi au sens de l’article L. 5421-1 du code du travail. Cette situation lui ouvre droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi s’il remplit les autres conditions d’obtention. La circulaire NOR/BCRF1033362C du 21 février 2011 a pour objet de rappeler les textes et les règles jurisprudentielles relatifs à l’assurance chômage pour les agents publics et notamment ceux applicables en l’absence de réintégration à l’issue d’une disponibilité. Elle précise en particulier que c’est à la collectivité d’origine qui refuse la réintégration du fonctionnaire, qu’incombe la charge de l’indemnisation du chômage (CE 5 mai 1995, n° 149948, Centre hospitalier intercommunal de Fréjus-Saint-Raphaël ; CE 17 janvier 2008, n° 306670, Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger) et en cette matière, les employeurs publics sont leurs propres assureurs conformément à l’article L. 5424-2 du code du travail. C’est à la collectivité d’origine de prendre en charge le versement de l’aide au retour à l’emploi, même si l’agent a travaillé pendant sa disponibilité - dans cette hypothèse, les règles de coordination ne s’appliquent pas - car c’est sur elle que pèse l’obligation de réintégration (articles 72 et 67 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale). La limite de la durée d’indemnisation est celle prévue à l’article 11 du règlement général annexé à la convention du 6 mai 2011 relative à l’indemnisation du chômage.

2 – Détachement de longue durée


Q – Quel est le nombre possible de renouvellements consécutifs de détachements de longue durée d’un agent de la fonction publique territoriale ?


Réponse du Ministère de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique : JOAN Q n° 2082, 6 novembre 2012, p. 6315.


Les conditions de renouvellement du détachement de longue durée dans la fonction publique territoriale sont fixées à l’article 9 du décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l’intégration. Le principe est posé par son premier alinéa : le détachement de longue durée ne peut excéder cinq années. Il peut toutefois être renouvelé par périodes n’excédant pas cinq années sous certaines réserves décrites ci-dessous. Ainsi, le détachement prononcé au titre des 1° (détachement auprès d’une administration de l’Etat), 2° (détachement auprès d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public) et 4° (détachement auprès d’un établissement public mentionné à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière) de l’article 2 du même décret ne peut être renouvelé au-delà d’une période de cinq années que si le fonctionnaire refuse l’intégration qui lui est proposée dans le corps ou cadre d’emplois d’accueil concerné. En outre, le détachement au titre du 11° du même article 2 (détachement auprès d’une entreprise privée) ne peut être renouvelé qu’à titre exceptionnel et pour une seule période de cinq ans. Enfin, le détachement prononcé pour effectuer une mission d’intérêt public de coopération internationale (b du 9° de l’article 2 précité) ne peut excéder deux années et ne peut être renouvelé qu’une fois pour une période n’excédant pas deux années.






Clarification des compétences locales par Benoit Fleury

Clarification des compétences locales par Benoit Fleury


La clarification des compétences locales revient tel un « serpent de mer » de la décentralisation. Le « mille feuille » de l’administration territoriale est souvent accusé de doublons, de financements croisés coûteux… en un mot de gaspillage. Cette mise à l’index trouve une résonnance singulière en période de recherche d’économies drastiques. Difficile en effet d’envisager une approche des finances publiques sans regarder de près la dette des collectivités locales même si, du fait de leur obligation de voter des budgets en équilibre, celle-ci ne constitue pas la part essentielle de la dette publique. Dans ce contexte, mieux répartir les compétences entre les différents échelons territoriaux s’impose comme l’une des pistes privilégiées sous-jacente à chaque projet de réforme des collectivités : hier remise en cause de la fameuse clause générale de compétence (1), aujourd’hui accent mis sur la notion de chef de file (2).

1 - La clause générale de compétence et la réforme des collectivités territoriales de 2010


Quid ?

Codifiée aux articles L. 2121-29 (pour les communes), L. 3211-1 (pour les départements) et L. 4221-1 (pour les régions) du Code général des collectivités territoriales, la clause générale de compétence puise ses racines dans les grandes lois départementale et municipale du 10 août 1871 et du 5 avril 1884 qui disposaient successivement que le conseil général délibère « généralement sur tous les objets d’intérêt départemental dont il est saisi » et que « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ».
Cette liberté d’intervention fondée sur l’intérêt local a été dénoncée à maintes reprises comme à l’origine de financements croisés aussi inefficaces que pesants pour les finances publiques. De nombreuses réflexions ont proposé ces dernières années la suppression de cette capacité d’action illimitée : ainsi du Rapport Caillosse de 2006 (L. Lemouzy, Le rapport Caillosse sur la clause générale de compétence : JCP A 2006, 1153), des travaux du sénateur Alain Lambert (Les relations entre l’Etat et les collectivités locales, nov. 2007) et bien sûr en dernier lieu le Rapport du comité Balladur (R. Noguellou, Le rapport Balladur : Dr. adm. 2009, alerte 23) à l’origine directe de la violente charge contre la clause générale lors de l’élaboration de la loi n° 2010-1563 de réforme des collectivités du 16 décembre 2010.
Après de vifs débats parlementaires, l’idée d’une suppression pure et simple fut abandonnée au profit d’une tentative de limitation des financements croisés et du principe d’exclusivité de l’exercice des compétences transférées. Il est vrai d’ailleurs qu’à cette occasion, la doctrine avait pu largement démontrer que les multiples interventions des différents échelons territoriaux dans un même domaine reposaient bien plus sur une législation touffue et pas toujours cohérente que sur la fameuse clause générale (v. en particulier G. Bachelier, Le débat sur la clause générale de compétence est-il vraiment utile ? : AJDA 2009, p. 186).

 

Actuellement

Le texte final affirme ainsi que les compétences attribuées par la loi aux collectivités territoriales le sont à titre exclusif, sauf lorsque la loi prévoit, à titre exceptionnel, qu’une compétence est partagée entre plusieurs collectivités territoriales (ce qui est notamment le cas des compétences en matière de tourisme, de culture et de sport qui demeurent partagées entre les communes, les départements et les régions).
Une collectivité peut déléguer à une collectivité d’une autre catégorie (ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre) une compétence dont elle est attributaire, exclusive ou partagée, par convention d’objectifs et pour une durée limitée. Départements et régions, en dépit d’une spécialisation accrue de leurs compétences peuvent néanmoins se saisir, par délibération spécialement motivée, de « tout objet d’intérêt départemental ou régional pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique ». Dans les six mois suivant l’élection des nouveaux conseillers territoriaux, le président du conseil régional et les présidents des conseils généraux peuvent élaborer conjointement un schéma d’organisation des compétences (qui fixe les délégations de compétences, l’organisation des interventions financières de la région et des départements en matière d’investissements et de fonctionnement) et de mutualisation des services.
Benoit-Fleury-Competence-LocaleLa loi de réforme de 2010 énonce également la règle d’une « participation minimale du maître d’ouvrage » au financement d’une opération d’investissement et celui du « non-cumul des subventions » du département et de la région à un projet communal ou intercommunal. Dans les grandes lignes, les départements peuvent contribuer au financement des opérations de maîtrise d’ouvrage des communes et de leurs groupements, la contribution des régions se limitant aux opérations d’envergure régionale. Les délibérations du département et de la région accordant une subvention font état de l’ensemble des subventions accordées au projet. Ces collectivités sont tenues d’annexer à leur compte administratif un état récapitulatif des subventions aux communes (objet, montant, rapport montant/population). En outre, toute collectivité territoriale (ou groupement) maître d’ouvrage assure une participation minimale au financement d’une opération d’investissement. Le seuil minimal de participation est fixé à 20 % du montant total des financements publics. Enfin, à compter du 1er janvier 2015, à défaut d’adoption d’un schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services entre la région et les départements, aucun projet ne peut bénéficier d’un cumul de subventions d’investissement et de fonctionnement du département et de la région, sauf ceux des communes de moins de 3500 habitants ou des communautés de moins de 50 000 habitants. Cette disposition n’est cependant pas applicable aux subventions de fonctionnement accordées dans les domaines de la culture, du sport et du tourisme (quelle que soit la population des communes ou des EPCI), ni au-delà de 2015 si un schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services a été adopté dans la région concernée.

2 - Des « chefs de file »


Benoit-Fleury-Competence-Locale-1Nouvelle approche

Aujourd’hui, le gouvernement renouvelle son approche de la clarification des compétences locales en insistant sur la notion de « chef de file ». Dont acte. Mais encore faut-il s’accorder sur cette notion car la recette n’est pas pleinement nouvelle. Dans son rapport thématique sur La conduite par l’Etat de la décentralisation (oct. 2009), la Cour des comptes relevait ainsi que pour contourner l’impossibilité de remédier frontalement à l’éclatement des compétences et à l’intangibilité de leur répartition, la notion de chef de file est apparue « comme un instrument d’ordre et e mise en cohérence » (p. 70). Le concept répond en fait à l’hypothèse dans laquelle il est difficile de transférer une compétence en bloc à un seul échelon territorial.
 La désignation d’un chef de file autorise alors une collectivité à organiser les modalités d’exercice de cette compétence partagée. Selon la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la fonction de chef de file est confiée aux départements pour l’action sociale (articles 49, 50 et 56) et aux régions pour l’action économique (article 1).

Et en pratique ?

En pratique cependant et à s’en tenir par exemple à cette dernière compétence économique, également examinée par les Sages de la rue Cambon, son exercice révèle une « confusion institutionnelle caractérisée » des interventions des différents échelons locaux ! Il n’est pas rare que sur un même bassin d’emploi, une dizaine ou plus de structures (toutes financées directement ou indirectement par les deniers publics) interviennent. Les magistrats financiers soulignent ainsi le caractère éclaté, complexe et peu coordonné des dispositifs (Les aides des collectivités au développement économique, rapport thématique, nov. 2007, chap. 1).
Ils démontrent que toutes les collectivités ou presque sont habilitées à définir ou mettre en œuvre autant de régimes d’aide qu’elles le souhaitent. Le constat dressé par la Cour est corroboré par le travail des Chambres régionales des comptes et le bilan final est sévère.
Benoit-Fleury-Competence-Locale-2Il insiste sur « la nécessité d’une redéfinition profonde d’une compétence frappée d’inefficacité et de réelle obsolescence ; sans que la responsabilité du chef de file confiée par la loi aux régions ait réussi à ordonner le système ».
Ce résultat est pour partie le fruit d’une absence de réel pouvoir de contrainte reconnu à la collectivité chef de file. Ainsi les schémas régionaux de développement économique sont-ils simplement concertés entre les régions et les autres acteurs publics. Les régions militent d’ailleurs en faveur de schémas « prescriptifs ». Et c’est bien ce que laissent entendre les premières annonces organisant l’acte III de la décentralisation. Reste à savoir comment s’articulerait ce « chef de filat » nouveau et l’article 72 de la Constitution prohibant la tutelle d’une collectivité sur une autre…

3 - Liens utiles 


Cour des comptes



Direction Générale des Collectivités Locales



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