jeudi 6 décembre 2012

Benoit Fleury : encore les emprunts structurés !

Benoit Fleury : encore les emprunts structurés !


Toujours sous les feux de l’actualité, les fameux emprunts structurés !!!

1 - Le fond de soutien voté


Le ministre de l’Economie avait annoncé le 8 novembre, à Dijon, la mise en place d’un « mécanisme spécifique d’aide » au profit des collectivités qui « connaissent de très graves difficultés financières » suite à la souscription d’emprunts structurés plus communément qualifiés de « toxiques ».
Les élus des collectivités concernées s’étaient par ailleurs prononcés mercredi 21 novembre pour la création d’un fonds de soutien mutualisé devant leur permettre de sortir progressivement de ces emprunts.
Les députés viennent de le voter. Le 3 décembre, dans le cadre de l’examen du collectif budgétaire de fin d’année, ils ont adopté le principe de la création d’un « fonds de soutien » de 50 millions d’euros en faveur des collectivités mises en danger par les emprunts toxiques. Présentée par le gouvernement, la mesure sera financée à parts égales par l’Etat et les collectivités (par un « prélèvement exceptionnel en 2012 » sur le produit des amendes de la police de la circulation).

benoit-fleury-conseil-general-vendeeIl cible celles qui n’arrivent pas à financer seules, même par des efforts tant en recettes qu’en dépenses, les surcoûts liés à l’explosion des taux d’intérêt de leur dette.
Les collectivités intéressées devront déposer une demande auprès du préfet avant le 30 septembre 2013. Si la chambre régionale des comptes donne un avis favorable, la collectivité signera une convention avec l’Etat avant le 31 décembre 2013. Cette convention devra « notamment comporter le montant de la subvention et son échelonnement ainsi que le plan pluriannuel de retour à l’équilibre auquel s’engage la collectivité ou le groupement ».
Une petite partie de ce fonds (5 millions d’euros) permettra d’allouer éventuellement aux collectivités et aux groupements de moins de 10.000 habitants une aide pour recourir à une expertise pour négocier avec les banques une sortie de la zone dangereuse.

2 – Appel à saisir la justice


Face à la menace constituée par les emprunts toxiques pour de nombreuses collectivités, la Fédération des villes moyennes (FVM) appelle ses adhérents à saisir la justice, et demande à l’Etat de débloquer la situation via une concertation collective avec les banques, ainsi que la création d’une « structure de défaisance », a annoncé le 4 décembre le président de la FVM, Christian Pierret.
Lors d’une conférence de presse, le maire de Saint-Dié a dévoilé les résultats d’une enquête effectuée auprès des adhérents de l’association. Il en ressort que « 50 à 70% » des 97 collectivités ou groupements (82 villes et 15 EPCI) ayant répondu, sur environ 200 adhérents, sont concernées par le problème des emprunts toxiques. « Un tiers estime détenir des produits structurés très nocifs », tandis qu’un autre tiers « juge la situation sous contrôle », a précisé Christian Pierret.

benoit-fleury-conseil-general-vendee1Face à ce problème, les négociations individuelles ne sont pas suffisantes, jugent les élus des villes moyennes. « Il n’y a pas de négociation, car nous n’avons plus d’interlocuteurs à Dexia, dont la plupart des collaborateurs sont partis (Dexia est à l’origine de 85% des prêts toxiques selon l’enquête), et car les conditions qu’on nous propose ne sont plus négociables : pour un restant dû de 39 millions d’euros, on nous demande une soulte de 20 millions ! » pour compenser la renégociation des taux d’intérêts, a déclaré Philippe Lavaud, maire d’Angoulême, qui a intenté un recours en justice.
La FVM appelle ses adhérents, dont nombre d’entre eux sont dans la même situation que la ville d'Angoulême, à l’imiter en « formulant des contentieux à titre conservatoire, permettant des négociations sincères et équilibrées », a déclaré Christian Pierret. Il est urgent de le faire, car « la prescription quinquennale va commencer à jouer pour les crédits contractés fin 2007-début 2008 », a-t-il ajouté. Par ailleurs, les villes moyennes appellent l’Etat à « mettre en œuvre une structure de défaisance », qui bénéficierait d’une partie des fonds d’épargne de la Caisse des dépôts.
Une solution collective est nécessaire pour la FVM : elle passe par « l'obligation de mettre autour de la table le gouvernement et les banques », a jugé Jean-Pierre Gorges, maire de Chartres et rapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur les emprunts structurés. L’élu s’est inquiété du déblocage annoncé par le gouvernement de 50 millions d’euros pour les collectivités les plus en difficulté, « pas fait dans la concertation et très dangereux : c’est la reconnaissance d’une erreur de gestion des collectivités, avec un Etat qui montre qu’il est garant des collectivités locales ».




mercredi 5 décembre 2012

Benoit Fleury : services et prestations juridiques

Services et prestations juridiques par Benoit Fleury


Les marchés publics de prestations juridiques, qu’il s’agisse de conseil ou de représentation en justice suscite toujours autant d’interrogations. Déjà abordé sur ce blog, notamment à propos de l’exigence ou non d’un certificat de spécialisation, ils ont récemment fait l’objet d’une nouvelle réponse ministérielle.

Benoit-Fleury-GUD5-Conseil-General-VendeeQ – Est-il envisageable de passer un marché unique de conseil juridique et de représentation en justice ?


Réponse du Ministère de la Décentralisation publiée au JOAN, Q. n° 1562, 27 novembre 2012, p. 6979.


« L’article 10 du Code des marchés publics a posé, « afin de susciter la plus large concurrence », l’allotissement comme principe et le marché unique comme l’exception. Le recours au marché unique est ainsi permis soit en cas d’impossibilité d’identifier des prestations distinctes, soit si l’allotissement entraîne une exécution du marché plus complexe ou plus coûteuse.
En matière de marchés de services juridiques, les pouvoirs adjudicateurs préfèrent généralement distinguer le conseil juridique et la représentation en justice et passer leurs marchés en lots séparés, dans la mesure où la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 relative à la profession d’avocat opère cette distinction.
Toutefois, dans certaines espèces, le juge administratif a admis la passation de marchés uniques de services juridiques « compte tenu du montant modique du marché et les caractéristiques des dossiers potentiels » (TA de Lyon, ord. 23 décembre 2008, Société Bruno Kern, n°0808003).
Cependant, même si le Conseil d’Etat limite le contrôle du juge en la matière à l’erreur manifeste d’appréciation (CE 21 mai 2010, Commune d’Ajaccio, n°333737), le montage de marchés de services juridiques sous la forme de marchés uniques reste déconseillé, eu égard à un risque d’annulation élevé ».

Benoit Fleury : Domaine public et commerce

Benoit Fleury : Domaine public et commerce


Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le noter sur le blog du Village de la justice, l’occupation privative du domaine public aiguise de plus en plus les appétits tant les enjeux financiers peuvent être importants. La nature humaine fait le reste et le droit n’est jamais très loin de l’économie comme en témoigne merveilleusement une affaire récemment soumise à l’appréciation du Conseil d’Etat (CE 29 oct. 2012, n° 341173, Cne de Tours).

 1 – Les faits


Une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, l’EURL Josse avait demandé, le 11 mai 2006, au maire de la commune de Tours, l’autorisation de prendre des clichés d’œuvres appartenant aux collections du musée des beaux arts de la commune. Ces photos étaient destinées à être par la suite publiées dans des ouvrages scolaires, des ouvrages d’art ou dans la presse. Le maire a implicitement rejeté cette demande.
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Vexée et ce d’autant plus que des autorisations de photographier des œuvres de ce musée avaient auparavant été délivrées à plusieurs reprises à des photographes professionnels dans le cadre de conventions particulières fixant les conditions de prise de vue et de leur utilisation, l’EURL Josse a saisi le juge administratif d’une requête tendant à l’annulation pour excès de pouvoir du refus municipal.

2 – Position des juges du fond


Par un jugement du 20 janvier 2009, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté cette demande. Saisie à son tour, la Cour administrative d’appel de Nantes a en revanche accordé un accueil favorable à ces prétentions (CAA Nantes, 4 mai 2010, n° 09NT00705, EURL Photo Josse : AJDA 2010, p. 1475, chron. S. Degommier ; JCP A 2011, 2239 chron. C. Chamard-Heim). La cour raisonne en trois temps :

  elle rappelle d’abord la domanialité publique des œuvres d’art aux termes de l’article L. 2112-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, « Sans préjudice des dispositions applicables en matière de protection des biens culturels, font partie du domaine public mobilier de la personne publique propriétaire les biens présentant un intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique, notamment : […] 8°) les collections des musées ». La prise de vue de ces œuvres est donc constitutive d’une utilisation privative du domaine public soumise à autorisation.
  Dès lors, cette utilisation doit respecter les principes en vigueur et notamment tenir compte de l’impact économique de l’activité exercée sur le domaine public :
« s’il appartient à l’autorité administrative affectataire de dépendances du domaine public de gérer celles-ci tant dans l’intérêt du domaine et de son affectation que dans l’intérêt général, il lui incombe en outre lorsque, conformément à l’affectation de ces dépendances, celles-ci peuvent être le siège d’activités de production, de distribution ou de services, de prendre en considération les diverses règles, telles que le principe de la liberté du commerce et de l’industrie, dans le cadre desquelles s’exercent ces activités ».

Benoit-Fleury-GUD3  Ainsi, puisqu’il a eu des précédents, la Cour conclue qu’en n’examinant pas la possibilité pour l’EURL Josse d’exercer son activité dans des conditions compatibles avec les nécessités de la gestion du musée et du respect de l’intégrité des œuvres, le maire de la commune a méconnu le principe de la liberté du commerce et de l’industrie.
Rien de très surprenant en somme. Depuis l’arrêt Société EDA de 1999, les personnes publiques doivent en effet être attentives au respect de ce principe de la liberté du commerce et de l’industrie (CE 26 mars 1999, n° 202260, Sté EDA : Rec. Lebon, p. 96, concl. J.-H. Stahl).

3 – Conseil d’Etat


Le Conseil d’Etat cependant complète ce raisonnement par l’apport de sa jurisprudence RATP de 2012 suivant laquelle la décision de délivrer ou non une autorisation d’occupation du domaine public n’est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie  ; étant précisé toutefois que la personne publique ne peut délivrer une telle autorisation lorsqu’elle aurait pour effet de méconnaître le droit de la concurrence, notamment en plaçant automatiquement l’occupant en situation d’abuser d’une position dominante (CE 23 mai 2012, n° 348909, RATP : JurisData n° 2012-010865 ; Contrats et Marchés publ. 2012, comm. 258, note S. Ziani).
La Haute juridiction confirme sa position en précisant au cas d’espèce ce qu’elle entend par l’éventuelle atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie :
benoit-fleury-gud«  la décision de refuser une telle autorisation [d’occupation privative], que l’administration n’est jamais tenue d’accorder, n’est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, dont le respect implique, d’une part, que les personnes publiques n’apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi et, d’autre part, qu’elles ne puissent prendre elles-mêmes en charge une activité économique sans justifier d’un intérêt public ».

L’EURL Josse perd cette fois-ci, mais les personnes publiques doivent prendre la multiplication de ces contentieux comme autant d’avertissements. L’occupation du domaine public devient un enjeu économique essentiel auquel elles doivent prêter une attention accrue.

4 – Liens utiles


Retrouvez cette chronique sur le site du Village de la justice.

Plus de billets sur l’occupation du domaine public :

Benoit Fleury : Associations-Collectivités

Associations-Collectivités par Benoit Fleury


Le premier baromètre des associations et des collectivités locales, présenté en avant-première au Salon des maires et des collectivités locales, a été rendu public jeudi dernier, offrant une vue croisée intéressante entre les deux sphères.

Chiffres clés


278 associations et 299 collectivités locales ont été interrogées par l’intermédiaire d’une plateforme internet du 24 septembre au 15 octobre. Parmi elles, les associations ont en moyenne 25 ans, 20 salariés, et 1118 adhérents 2012. Les collectivités comptent en moyenne 169 associations sur leur territoire, dont 68 sont subventionnées.

« Le financement public des associations représente près de la moitié de leur budget », révèle l’enquête, réalisée conjointement par le site d’informations Associations mode d’emploi, la Gazette des communes et le Courrier des maires et des élus locaux. Ces financements proviennent en premier lieu des mairies, qui « pourvoient 19% des subventions allouées juste devant l’Etat (15%) et les régions (8%) » ; confirmant ainsi l’étude précédemment menée par Viviane Tchernonog (Le paysage associatif français, Paris, Dalloz, 2007).

39% des associations déclarent que leurs subventions baissent, mais seulement 7% des collectivités le confirment. Les relations entre les associations et les collectivités, elles, sont perçues comme étant stables en majorité (43%), et 22% notent même une amélioration. Près de 2/3 des associations estiment que les élus locaux sont sensibles à leurs problèmes.



Benoit-Fleury-GUDule-AssociationLa moitié des associations et des collectivités affirment avoir signé des conventions de subventions annuelles ou pluriannuelles, signe que la collaboration entre elles fonctionne parfaitement.

Le baromètre


mardi 4 décembre 2012

Coopération internationale par Benoit Fleury

Coopération internationale par Benoit Fleury


Le sénateur Jean-Claude Peyronnet vient de remettre un rapport particulièrement intéressant sur la coopération décentralisée menée par les collectivités territoriales, intitulé La solidarité internationale à l'échelle des territoires : état des lieux et perspectives (Sénat, rapport d’information n° 123, session ordinaire 2012-2013, 13 novembre 2012).

1 – Quelques chiffres


4.806 collectivités territoriales françaises sont impliquées dans près de 140 pays en matière de coopération décentralisée. Vingt-six régions sont ainsi impliquées dans ce domaine, plus de 80 départements sur 101, toutes les grandes villes et de très nombreuses communes de toute taille. Environ 250 intercommunalités mènent également des actions de coopération décentralisée.

Benoit-Fleury-GUDuleAu total, plus de 12.000 actions de coopération décentralisée sont menées en France.
Côté budget, l’aide publique au développement représentait 60,5 millions d’euros en 2010 et devrait représenter 65 millions en 2011 et 70 millions en 2012 et 2013. Ce budget a augmenté de 35% entre 2003 et 2009, passant de 46 millions d'euros à près de 60 millions. Et encore, ces chiffres ne prennent pas en compte les effets de levier induits par les actions des collectivités territoriales.

Les secteurs d’intervention concernés par ces actions de coopération décentralisée sont très divers, détaille le rapport : jeunesse, développement durable, achats éthiques, eau et assainissement, tourisme responsable, énergie…

2 – Sommaire


Introduction
I Soixante ans de coopération décentralisée : les faits précèdent le droit
II La coopération décentralisée : des actions multiples et diverses sur les cinq continents, témoignant du savoir-faire des collectivités territoriales.
III Répondre aux principaux enjeux de la coopération décentralisée

Retrouvez le sommaire complet ici.