Non-cumul : les réticences du Sénat par Benoit Fleury
Le projet de loi limitant le cumul des mandats, qui sera présenté
en Conseil des ministres le 3 avril, va connaître un parcours très difficile
dans la chambre haute. Un rapport de deux sénateurs de la délégation aux
collectivités très favorables au non-cumul, qui vient d'être rendu public, ne
reflète aucunement les positions de la majorité de leurs collègues.
La discussion
parlementaire du projet de loi modifiant les modes de scrutins locaux ne sera,
a priori, même pas achevée qu'un autre projet de loi, lui aussi à forte
consistance électorale, arrivera devant le Parlement. Celui-ci visera cette
fois à limiter le cumul des mandats, conformément à l'une des promesses de
campagne de François Hollande. Lors de son intervention télévisée du 28 mars,
le président de la République a annoncé que le Conseil des ministres examinera
la réforme le 3 avril prochain. Le passage au Sénat, où le projet de loi Valls
a été torpillé, s'annonce d'ores et déjà très périlleux pour ce nouveau texte.
Les précautions dont la délégation sénatoriale aux collectivités et à la
décentralisation vient de faire preuve sur la suite à donner au rapport de deux
de ses membres portant sur ce sujet du cumul, donnent un avant-goût de
l'ambiance qui pourrait régner dans quelques semaines au palais du Luxembourg.
La délégation, qui a la
charge d'informer la Haute Assemblée sur "toute question relative aux
collectivités territoriales", a autorisé la publication de ce rapport
préparé par Georges Labazée (socialiste) et François-Noël Buffet (UMP), à
condition qu'il n'engage pas l'ensemble de la délégation, au total trente-six
sénateurs de tous les partis.
"Personne ne s'entend sur quoi que ce
soit"
Majoritairement
défavorables aux propositions des rapporteurs, les sénateurs n'ont pas voulu,
en effet, endosser la responsabilité de celles-ci. Le socialiste Yves
Krattinger résumait la situation lors d'une réunion de la délégation, le 12
mars : "Je ne pense pas qu'il y ait un sénateur qui soit aujourd'hui
d'accord pour envoyer [le rapport] à ses élus en disant : voici des
propositions auxquelles j'adhère. Il s'agit d'un sujet extrêmement
sensible." Seul le socialiste Rachel Mazuir a osé afficher une position
différente : "Si je suis à nouveau candidat à l'élection sénatoriale, je
ne pense pas que ce rapport me portera préjudice", a-t-il confié.
"Visiblement, personne ne s'entend sur quoi que ce soit", a lâché la présidente
Jacqueline Gourault (UC). Elle a dû renoncer à sa proposition d'un vote des
membres sur chacune des recommandations du rapport. L'idée était ainsi de
parvenir à distinguer dans le rapport les préconisations faisant l'objet d'un
consensus de celles qui font polémique. Elle avait proposé ce compromis le 26
février dernier, à l'issue d'un long débat qui avait révélé l'opposition d'une
majorité de sénateurs au renforcement du non-cumul.