Association transparente
Petit poison de la vie politique locale, l’association transparente s’invite dans les débats relatifs à la compétence juridictionnelle. La chambre criminelle de la cour de cassation vient en effet d’estimer que le juge pénal est pleinement compétent pour retenir cette qualification et en tirer toutes les conséquences (Crim. 7 nov. 2012, n° 11-82.961, MM. T., V. et C).
Les enjeux de la qualification ne sont pas neutres dans la mesure où lorsque la transparence d’une association est reconnue, l’organisme concerné devient une personne morale de droit public avec toutes les conséquences attachées. En particulier, les subventions dont elle a pu éventuellement bénéficier conservent la qualité de deniers publics. La gestion de fait des élus n’est alors plus très loin !
1 – Petit rappel
Une association est dite « transparente » à l’égard d’une collectivité locale (ou de l’Etat) lorsqu’elle se confond avec la collectivité qui l’a créée (la nouvelle société publique locale issue de la loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 devrait pallier à cette pratique : voir en ce sens S. Damarey, La société publique locale ou la fin des associations transparentes : AJDA 2011, p. 934).
Juridiquement, la transparence se déduit de deux types de circonstances :
- l’absence d’existence juridique de l’association ;
- l’absence d’autonomie vis-à-vis du financeur.
La première situation – assez rare – correspond au cas où l’organisme bénéficiaire n’a aucune existence légale (sa constitution par exemple n’aurait pas été déclarée en préfecture).
Dans la seconde situation, l’association jouit de la personnalité morale, mais son existence légale n’est qu’un masque sous lequel la collectivité agit en fait directement. La transparence se déduira alors d’un faisceau d’indices (par exemple CE 21 mars 2007, n° 281796, Cne de Boulogne-Billancourt) :
- le degré d’indépendance des organes de direction et de gestion de l’association ;
- l’origine des moyens dont elle bénéficie ;
- son domaine d’activité ;
- la qualité des dirigeants (voir en ce sens la réponse du Garde des Sceaux publiée au JOAN Q n° 59794 du 22 décembre 2009, p. 12337).
Ces critères ne sont pas cumulatifs. La transparence résulte d’une appréciation d’ensemble par le juge. Le plus souvent, il s’agira d’ailleurs du juge administratif, le conflit naissant à l’occasion de la contestation du versement de la subvention par un contribuable ou d’interrogations soulevées par les organes de l’Etat compétents. Mais il arrive également que le litige soit porté devant les juridictions de l’ordre judiciaire, comme dans l’affaire objet de ces quelques lignes.
2 – L’espèce

3 – Solution
L’arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation du 7 novembre est ainsi doublement intéressant, tant sur le principe que sur la méthode. Sur le principe d’abord, le juge pénal répond aux requérants en se déclarant pleinement compétent :
« lorsqu’une association est créée à l’initiative d’une personne publique qui en contrôle l’organisation et le fonctionnement et lui procure l’essentiel de ses ressources, le juge pénal est compétent pour qualifier cette association de transparent et en déduire que les contrats qu’elle conclut pour l’exécution de la mission qui lui est confiée sont des contrats administratifs soumis au code des marchés publics ».
Sur la méthode ensuite, le juge judiciaire applique le faisceau d’indices dégagé par le juge administratif, relevant notamment l’absence totale d’autonomie de l’association par rapport à la municipalité puisqu’en effet :
- son activité principale était la rédaction du journal d’informations de la mairie ;
- son financement était exclusivement assuré par des subventions municipales sans autre apport, même minime ;
- que le rôle de la présidente de l’association est décrit par le directeur de cabinet du maire et la secrétaire générale adjointe de la mairie comme purement honorifique ;
- qu’aux yeux des tiers aucune distinction n’apparaissait entre l’association et la municipalité.
Même raisonnement, même punition !
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