jeudi 6 décembre 2012

Benoit Fleury : Domaine public (encore !)

Benoit Fleury : Domaine public (encore !)


L’occupation du domaine public, sujet récurrent de la vie des collectivités locales alimente la réflexion de la doctrine administrative.

1 – Commerce ambulant et occupation du domaine


Q – Le maire peut-il réglementer l’activité des commerçants ambulants ?


Réponse du Ministère de l’intérieur publiée au JO Sénat, Q. n° 00644, 29 novembre 2012, p. 2753.


« Lorsqu’une activité de commerce ambulant consiste à circuler sur la voie publique en quête d’acheteurs sans procéder à une occupation du domaine public, le maire ne peut en aucun cas subordonner l’exercice de cette activité à la délivrance d’une autorisation sans porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie (CE, 28 mars 1979, Ville de Strasbourg, n°03810 06606).

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Aussi le maire ne peut-il exiger le versement d’un droit de stationnement par les professionnels ambulants en quête de clients lorsqu’ils se bornent à s’arrêter momentanément pour conclure une vente (CE, 15 mars 1996, Syndicat des artisans fabricants de pizzas non sédentaires Paca, n°133080). Le maire peut néanmoins, au titre de ses pouvoirs de police prévus à l’article L.2212-2-1° du Code général des collectivités territoriales (CGCT), «dans l’intérêt de la commodité et de la sûreté de la circulation», réglementer l’exercice du commerce ambulant dans les rues, notamment l’interdire dans certaines rues et à certaines périodes.

L’interdiction de l’exercice du commerce ambulant dans certains secteurs réservés aux piétons, limitée à une période de l’année, à certains jours et certaines heures, a été jugée adaptée aux circonstances de temps et de lieu et ne soumettant pas les intéressés à des contraintes autres que celles qu’impose le respect du bon ordre, de la sécurité et de la tranquillité de piétons dont l’affluence est importance aux jours et lieux visés par l’arrêté municipal (CE, 25 janvier 1980, n°14260 ; CE, 11 décembre 1985, Ville d’Annecy, n°67115).
De même, l’arrêté municipal qui interdit le commerce ambulant dans certains quartiers d’une ville touristique, dès lors que cette interdiction est motivée par l’agrément, la sécurité et la commodité des touristes est légal, les commerçants en question conservant la possibilité d’exercer leur activité dans d’autres secteurs également fréquentés par les touristes (CE, 23 septembre 1991, Commune de Saint-Jean-de-Luz, n°87629). En tout état de cause, le maire ne saurait interdire l’exercice du commerce ambulant sur l’ensemble du territoire de la commune sans porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie (CE, 26 avril 1993, Commune de Méribel, n°101146).

2 – Terrasses de café


Q – Comment le maire attribue-t-il les autorisations d’occupation du domaine public pour les terrasses de café ?


Réponse du Ministère de l’intérieur publiée au JOAN, Q. n° 744, 27 novembre 2012, p. 7001.


« En application de l’article L.2213-6 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), le maire peut « moyennant le paiement de droits fixés par un tarif dûment établi, donner des permis de stationnement ou de dépôt temporaire sur la voie publique et autres lieux publics sous réserve que cette autorisation n’entraîne aucune gêne pour la circulation et la liberté du commerce ».
L’installation d’une terrasse de café ne modifiant pas l’assiette de la voie publique, elle n’implique pas la délivrance d’une permission de voirie, mais d’un simple permis de stationnement (CE, 14 juin 1972, n°83682). Le maire est ainsi compétent pour délivrer un permis de stationnement à un commerce pour l’installation d’une terrasse sur le trottoir (CE, 5 octobre 1998, Commune d’Antibes, n°170895).
La délivrance des permis de stationnement relève du pouvoir de police spéciale de la circulation et du stationnement détenu par le maire et, à ce titre, ne nécessite aucune délibération du conseil municipal. En revanche, les montants des droits de stationnement sont déterminés par le conseil municipal.

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Ils peuvent être fixés par le maire, dans le cadre d’une délégation et dans les limites déterminées par le conseil municipal (article L.2122-22-2° du CGCT). Aucun texte d’ordre général n’impose que les conventions d’occupation domaniale soient conclues en respectant des règles de publicité et de mise en concurrence.
Le Conseil d’Etat s’est récemment penché, à l’occasion du contentieux opposant la ville de Paris et l’association Paris-Jean-Bouin à l’association Paris-Tennis, sur la question de l’existence éventuelle d’une obligation de mise en concurrence pour la délivrance des autorisations d’occupation du domaine public.

Il a considéré, dans l’arrêt de section du 3 décembre 2010 (Ville de Paris, n°338272), que « aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n’imposent à une personne publique d’organiser une procédure de publicité préalable à la délivrance d’une autorisation ou à la passation d’un contrat d’occupation d’une dépendance du domaine public, ayant dans l’un ou l’autre cas pour seul objet l’occupation d’une telle dépendance [...] même lorsque l’occupant de la dépendance domaniale est un opérateur sur un marché concurrentiel ».
En conséquence, « si, dans le silence des textes, l’autorité gestionnaire du domaine peut mettre en œuvre une procédure de publicité ainsi que, le cas échéant, de mise en concurrence, afin de susciter des offres concurrentes, en l’absence de tout texte l’imposant et de toute décision de cette autorité de soumettre sa décision à une procédure préalable, l’absence d’une telle procédure n’entache pas d’irrégularité une autorisation ou une convention d’occupation d’une dépendance du domaine public ».
Si aucun texte de droit interne ni les dernières jurisprudences n’imposent de procédure de publicité pour l’octroi d’une autorisation d’occupation du domaine public, les maires peuvent toutefois mettre en œuvre des mesures de publicité préalable avant de conclure une convention d’occupation du domaine public, notamment lorsque l’occupation privative du domaine public est liée à une activité de production, de distribution ou de services et que des administrés sollicitent la délivrance d’un permis de stationnement sur le même emplacement.
Ainsi le maire pourra choisir l’attributaire au regard de l’intérêt de la meilleure gestion économique et patrimoniale du domaine public, et non pas de manière discrétionnaire. Le maire doit également tenir compte des «usages conformes à la destination du domaine que le public est normalement en droit d’y exercer» (CE, 3 mai 1963, Commune de Saint-Brévin-les-Pins).
En application du 1° de l’article L.2212-2 du CGCT, le maire assure « la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques ». Ainsi, lorsqu’il accorde un permis de stationnement, le maire doit veiller à ce que l’occupation privative d’une partie du trottoir ne gêne pas la circulation des piétons. Le Conseil d’Etat a en effet jugé illégale une autorisation d’installer une terrasse qui avait pour effet «de réduire d’à peine plus d’un mètre la largeur du trottoir maintenue à la disposition des piétons et de gêner ainsi la circulation» (CE, 5 octobre 1998, Commune d’Antibes, n°170895).



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