vendredi 2 novembre 2012

Référé contractuel par Benoit Fleury

Référé contractuel par Benoit Fleury


Une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice donne de précieuses indications sur la recevabilité d'un référé contractuel lorsqu'un référé pré-contractuel a été antérieurement engagé.

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Régi par les articles L. 551-13 et suivants et R. 551-7 et suivants du Code de justice administrative (CJA), le référé contractuel en matière de commande publique sanctionne un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence des contrats publics après la signature du contrat.
Ouvert au préfet et à toutes les personnes qui « ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées » par ces manquements, ce recours ne sera pertinent que dans des cas limitativement énumérés : absence totale de publicité, absence de publication au Journal officiel de l’union européenne si celle-ci est obligatoire, violation du délai de « standstill » (délai suspensif entre la communication de la décision d’attribution du marché et la signature de ce dernier afin de permettre aux soumissionnaires d’engager, le cas échéant, une procédure de recours), violation de la suspension de la signature du contrat liée à la saisine du référé précontractuel, et méconnaissance des modalités de remise en concurrence pour les contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique. Il est en principe inconciliable avec le référé précontractuel (art. L. 551-14 CJA).
La jurisprudence administrative est cependant venue préciser ces conditions de recevabilité comme en témoigne une récente décision du juge des référés du tribunal administratif de Nice (TA Nice, ord. réf., 24 sept. 2012, n° 120934, Sté Serex).
Benoit-Fleury-Vendee
Le Conseil d’Etat a pu notamment considéré comme recevable un recours contractuel introduit par un concurrent évincé qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel alors qu’il était dans l’ignorance du rejet de son offre et de la signature du marché par suite d’un manquement du pouvoir adjudicateur au respect des dispositions de l’article 80 du code des marchés publics relatif au délai de standsill (CE 10 nov. 2010, n° 340944, France Agrimer : JurisData n° 2010-020831 ; JCP A 2010, comm. 2379, note F. Linditch ; Contrats-Marchés publ. 2011, comm. 59, note J.-P. Pietri. Pour des applications récentes, v. CE 30 sept. 2011, n° 350148, Cne de Maizieres-les-Metz : JurisData n° 2011-020382 ; Dr. adm. 2011, comm. 95, note F. Brenet TA Lyon, 26 oct. 2011, n° 1106110, Sté Iserba : Contrats-Marchés publ. 2012, comm. 61, obs. M. Ubaud-Bergeron). De même la notification de l’attribution du marché par le pouvoir adjudicateur doit comporter l’indication de la durée du délai de suspension, afin d’informer le candidat évincé de la période durant laquelle il peut utilement introduire une requête en référé précontractuel. A défaut de cette mention, le délai de suspension ne court pas à l’encontre du candidat concerné qui pourra opportunément former un référé contractuel (CE 24 juin 2011, n° 346665, OPH Interdépartemental de l’Essonne, du Val d’Oise et des Yvelines : JurisData n° 2011-012194 : Dr. adm. 2011, comm. 86, note F. Brenet).
Benoit-Fleury
Le juge des référés du tribunal administratif de Nice s’inscrit à la suite de cette jurisprudence. Au cas d’espèce, par avis d’appel public à la concurrence du 10 février 2012, la Métropole Nice Côte d’Azur a lancé un appel d’offres ouvert en vue de la passation d’un marché public de services ayant pour objet l’exploitation de la station d’épuration de Cagnes-sur-Mer. Trois opérateurs économiques, dont la société Serex, ont déposé une offre. Le 10 août 2012, cette dernière a été informée du rejet de son offre, celle-ci étant classée en deuxième position, et de l’attribution du marché à la société Compagnie de l’eau et de l’ozone. Estimant ne pas disposer des éléments lui permettant de contester utilement cette décision, la société Serex a alors demandé au pouvoir adjudicateur, par courrier recommandé et télécopie envoyés le même jour, de lui communiquer des informations complémentaires et notamment le rapport d’analyse des offres, lequel lui a été adressé par courrier reçu le 23 août 2012. Entre temps, par requête présentée le 21 août 2012, la société requérante a demandé au juge du référé précontractuel d’annuler la procédure de passation du marché litigieux. Toutefois, par un mémoire en défense enregistré le 28 août 2012, la Métropole Nice Côte d’Azur a porté à la connaissance de la société requérante l’information selon laquelle la signature du contrat litigieux était intervenue dès le 21 août 2012. Prenant acte de cette signature, la société requérante introduit un référé contractuel.
Le juge du référé devait ainsi s’inquiéter de la recevabilité de cette procédure eu égard au référé précontractuel antérieur, et ce d’autant plus que celui-ci ayant été déposé le douzième jour suivant la date du courrier de rejet, la société requérante pouvait se voir reprocher sa propre carence (CE, 19 janv. 2011, n° 343435, Grand Port maritime du Havre : JurisData n° 2011-000392 ; JCP A 2011, comm. 2095, note. F. Linditch). Aussi s’est-elle placée sur un autre terrain : celui de la contestation de la qualification du courrier du 10 août. Elle arguait notamment que celui-ci n’avait pu faire courir le délai de standstill dans la mesure où il ne répondait pas aux prescriptions de l’article 80 du Code des marchés publics qui impose au pouvoir adjudicateur d’informer le candidat malheureux des motifs synthétiques du rejet de son offre. En s’appuyant sur la jurisprudence européenne (en particulier CJUE, 28 janv. 2010, Uniplex Ltd c/ NHS Business Services Authority, n° C-406/08), le juge du référé partage cette approche et estime que « pour être compatible avec la directive 89/665/CEE, le point de départ du délai de suspension visé à l’article 80 du code des marchés publics, lequel assure en droit interne la transposition de l’article 2 bis de cette directive, doit donc être regardé comme la date à laquelle le soumissionnaire était en mesure d’avoir connaissance d’un manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence et qui correspond donc nécessairement à la date d’envoi à ce dernier d’une notification complète de son éviction, c’est-à-dire qui comporte non seulement la décision d’attribution du marché et le nom de l’attributaire, mais également un exposé synthétique des motifs pertinents qui lui sont indispensables pour introduire aussi rapidement que possible, le cas échéant, un recours efficace, et que sont les motifs de rejet de l’offre ainsi que les caractéristiques et les avantages de l’offre retenue. Il appartient ainsi au pouvoir adjudicateur de veiller à ce que le délai de suspension qu’il s’impose ait bien commencé à courir en s’assurant de la transmission aux candidats évincés d’une telle notification complète ».
Le référé contractuel a ainsi été jugé recevable en l’espèce. Cette solution est de nature à satisfaire les amateurs de textes appliqués à la lettre. Elle n’interroge pas moins les praticiens des marchés : si l’indication des motifs du rejet respecte le texte, quel avantage réel en tire le candidat malheureux dans la mesure où il ne peut fonder un référé contractuel sur ce moyen ?
Saisi, le Conseil d’Etat livrera prochainement son approche.


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